23/03/2015
La Femme modèle (Designing Woman), de Minnelli
Gregory Peck, à contre-emploi, fait rire à ses dépens
La Femme modèle
(Designing Woman)
Ce film est rempli de gags dont le très sérieux Gregory Peck est la victime. Il est traité de haut par Lauren Bacall, qui joue le rôle de son épouse. Minnelli, en les opposant tous les deux, crée un véritable comique de situation. La femme modèle est un exemple type de la comédie américaine de la grande époque.
A ses débuts au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Gregory Peck eut du mal à convaincre les producteurs et les réalisateurs qu’il possédait un réel talent d’acteur. Sa carrure et son allure avantageuse lui permirent de décrocher des rôles, mais son jeu fut considéré comme froid, inexpressif et inconsistant. Avec son physique d’armoire à glace et son impassibilité apparente, il semblait incapable de susciter la moindre émotion chez le spectateur.
Néanmoins, au bout de quelques années, il réussit à s’imposer comme un acteur de premier plan, notamment sous la direction d’Henry King. Il enchaîna les rôles dans des westerns et des films de guerre, qui lui apportèrent la notoriété. Cependant les personnages qu’il incarnait avaient le point commun d’être empreints de gravité.
Par la suite, contre toute attente, Gregory Peck montra qu’il était capable de jouer la comédie. Ce fut Vacances romaines (Roman Holidays), dans lequel il donnait la réplique à Audrey Hepburn, puis La Femme modèle (Designing Woman), de Minnelli.
Dans ce film, Gregory Peck joue le rôle d’un journaliste qui fait la connaissance d’une modéliste interprétée par Lauren Bacall. C’est le coup de foudre. Ils se marient très vite, sans vraiment se connaitre l’un et l’autre. Or ils évoluent dans des univers très différents. Leurs milieux professionnels, leurs fréquentations et leurs goûts n’ont rien de commun. Gregory Peck s’intéresse surtout aux sports - qu’il suit pour son journal – et s’épanouit dans l’atmosphère enfumée des salles de boxe, son seul loisir consistant à jouer aux cartes avec des camarades. De son côté, Lauren Bacall est plus intellectuelle et plus raffinée, elle travaille dans le milieu de la mode et fréquente des artistes, notamment un maître de ballet que son mari trouve bien efféminé. Elle est sûre d’elle-même, affiche une certaine supériorité intellectuelle et regarde son mari de haut. Elle habite un vaste appartement décoré avec goût, tandis que lui vit dans un deux-pièces qui ressemble à un fourbi à l’intérieur duquel règne un désordre innommable. Il n’est pas question pour elle d’habiter chez lui, il devra emménager chez elle et s’adapter à ses habitudes.
Mais ce n’est pas tout, Gregory Peck a omis de préciser un point de détail. Il n’a pas informé son épouse de la liaison qu’il a eue avec une jeune femme. Au bout de quelques temps, Lauren Bacall finit par avoir des soupçons. Mais lui n’a pas le courage de dire la vérité et de reconnaitre l’existence de cette relation, qui pourtant appartient au passé. Il nie l’évidence et finit par s’enferrer dans ses mensonges. Or, elle n’aime pas être menée en bateau et n’entend pas jouer le rôle d’épouse bafouée. La confrontation est inéluctable.
Dans La Femme modèle, Minnelli arrive à créer un véritable comique de situation. Le film est rempli de gags dont le très sérieux Gregory Peck est la victime ; ces gags sont « tarte à la crème » au sens propre comme au sens figuré. Gregory Peck, avec ses problèmes de pantalon, fait rire à ses dépens. Sa prétendue impassibilité devient un atout et renforce le comique de situation. Si le film, avec ses qui-propos, a des allures de vaudeville, aucune scène n’est de mauvais goût. Dans cette comédie burlesque, il y a quelques bagarres ; Gregory Peck est poursuivi par des gangsters, mais ils ne font pas vraiment peur. Et puis, Minnelli n’oublie pas qu’il est le réalisateur d’Un Américain à Paris (An American in Paris), il a une manière particulière de filmer les bagarres. Chez lui, elles sont réglées comme des ballets. On peut presque dire qu’il développe ici une esthétique de la bagarre.
Tourné en cinémascope et en couleurs, La Femme modèle est un exemple type de la comédie américaine de la grande époque, faite d’un bon scénario, de bons acteurs et de décors soignés. Selon les canons du genre, l’homme et la femme se rencontrent, se chamaillent et prennent conscience qu’ils sont devenus inséparables.
La Femme modèle (Designing Woman), de Vincente Minnelli, 1957, avec Gregory Peck, Lauren Bacall, Dolores Gray, Sam Levene et Tom Helmore, DVD Warner Bros.
07:30 Publié dans Comédie, Film | Tags : la femme modèle, designing woman, vincente minnelli, gregory peck, lauren bacall, dolores gray, sam levene, tom helmore | Lien permanent | Commentaires (0)
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