11/11/2013
La Fin de la mondialisation, de François Lenglet
Contre le mythe de la mondialisation heureuse
La Fin de la mondialisation
Loin d’être consensuel, le dernier livre de François Lenglet dénonce la mondialisation. Dans un langage clair et avec humour, le journaliste nous explique que nous sommes allés trop loin dans le libre-échange, sans en obtenir les résultats escomptés. Mais, selon lui, la mondialisation entre dans une phase d’éclipse et ce n’est pas une mauvaise chose.
François Lenglet est éditorialiste sur France 2. Au journal de 20 heures, il délivre ses leçons d’économie devant des millions de téléspectateurs. A ce titre, sa responsabilité est énorme. On eût pu attendre de sa part un livre lisse, sans aspérité, qui épouse le discours dominant présentant la mondialisation comme souhaitable et même inéluctable. Or, il n’en est rien. Comme le titre de son livre l’indique, François Lenglet nous annonce la fin de la mondialisation ou, tout au moins, son éclipse ; et, selon lui, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.
Exemples à l’appui, Lenglet nous montre que l’histoire économique est cyclique : les périodes d’ouverture des frontières sont suivies de période de fermeture. Une première fois, en 1913, le commerce mondial atteignit son apogée, puis il s’effondra avec la première guerre mondiale. Les années 20 furent une tentative de rétablissement de l’ordre libéral d’avant 1914, mais cela n’empêcha pas la crise de 29 et les politiques protectionnistes des années 30. Bref, des rééquilibrages se produisent à intervalles réguliers.
S’agissant de notre époque, Lenglet se fait très critique quand il écrit : « Le libre-échange tel que nous le pratiquons depuis un quart de siècle a des coûts sociaux très élevés. ». Il parle même de machine à inégalités. Les emplois industriels ont été délocalisés, tandis qu’ont été créés des emplois dans les services, des emplois non délocalisables mais peu qualifiés et surtout sous-payés. Lenglet estime que ce sont les peuples qui ont payé le prix de la mondialisation et il ne mâche pas ses mots : « La mondialisation […] demande aux peuples de s’adapter et de ne pas se mettre aux travers des autoroutes qu’elle a construites. Circulez, et laissez passer les convois internationaux ! Dans ce système, c’est sur la société que se sont reportés tous les efforts d’ajustement : mobilité, flexibilité, baisse des salaires. La mondialisation consacre la domination des mobiles sur les immobiles, des forts sur les faibles […]. » Selon lui, seule une élite planétaire profite du système. Ont vu leur salaire grimper ceux qui apportent une forte valeur ajoutée et qui peuvent se jouer des frontières, du fait de leur haut niveau de compétence. Lenglet cite le cas de Pavarotti qui aura vendu cent millions de disques à travers le monde, tandis que Caruso, son illustre prédécesseur, n’en aura vendu qu’un million un siècle plus tôt.
La grosse arnaque des Chinois
Selon François Lenglet, les pays développés ont ouvert trop rapidement leurs portes à la Chine, sans se rendre compte qu’ils se rendaient victimes d’une gigantesque arnaque : la Chine a fait mine d’accepter les règles internationales, pour mieux les contourner ensuite, notamment en manipulant sa monnaie. La théorie de la mondialisation heureuse voulait que les pays émergeants se développent et que, pendant ce temps, les pays du Nord misent sur les créneaux à forte valeur ajoutée, mettant à profit leur avance technologique, comme dans l'électronique et les télécommunications. Mais rien ne s’est passé comme prévu : la Chine a rattrapé les Européens et les Américains bien plus vite que prévu dans nombre de secteurs, y compris l'automobile.
Lenglet n’est pas tendre non plus pour l’Europe de Jacques Delors. Selon lui, l’euro a été mis en place sur de mauvaises bases et, du fait de la monnaie unique, la France se prive de l’arme de la dévaluation qui lui serait bien utile par les temps qui courent. Il accuse Berlin de mener une politique mercantiliste très dangereuse à terme. D’un coté, l’Allemagne cherche à accumuler les excédents commerciaux, et, de l’autre, elle use du bâton à l’égard des pays européens qui additionnent les déficits, oubliant que ce sont leurs déficits qui font en partie ses excédents. Lenglet juge que la poursuite d’une telle politique conduit à de graves déséquilibres, d’où le risque d’éclatement de l’euro.
Faisant référence aux travaux de Maurice Allais, le très iconoclaste prix Nobel d’économie dont il semble se réclamer, Lenglet souligne que le libre-échange est praticable entre pays qui ont peu ou prou le même niveau de revenu et de développement. Lenglet appelle l’Europe à trouver un nouvel équilibre entre ouverture et protection, et il insiste sur la nécessité du protectionnisme financier. Les capitaux ne doivent plus circuler librement. La finance doit être renationalisée ou régionalisée, afin d’éviter que se créent de nouvelles bulles, telles la bulle immobilière ou la bulle Internet de la fin des années 90.
En tout cas, selon François Lenglet, le mouvement d’éclipse de la mondialisation s’est engagé sous nos yeux ; ainsi, et c’est un symbole, Apple a décidé de rapatrier une chaîne de production d’ordinateurs aux Etats-Unis, dans l’Etat du Texas. Les sociétés industrielles américaines prennent conscience que produire à l’étranger n’est pas forcément mieux et moins cher. Les usines américaines ont fait des efforts de productivité et, grâce aux gaz de schiste, le prix des énergies a baissé aux Etats-Unis. Les choses sont donc en train de changer ; et le pays qui pourrait payer le prix fort dans le nouvel équilibre qui se dessine, c’est la Chine, dont le modèle est entièrement bâti sur les exportations.
La Fin de la mondialisation, un livre de François Lenglet (2013), éditions Fayard.
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