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14/12/2015

L'Emprise, de Marc Dugain

La comédie humaine du pouvoir

L’Emprise

(Trilogie de l’emprise, tome 1)

L’Emprise est le tome 1 de la trilogie du même nom. Marc Dugain entend démonter les rouages du système politique français. Dans ce House of cards tricolore, les hommes politiques ne pensent qu’à l’Elysée, mais sont impuissants à régler les problèmes des Français. L’Emprise est riche à la fois en rebondissements et en réflexions.

            A l’origine, L’Emprise devait être une série télévisée. Marc Dugain avait monté un projet qu’il avait proposé à une chaîne de télévision ; sur le modèle de House of cards dans sa version britannique, il avait prévu de tourner une fiction démontant les rouages du système politique français. Selon Dugain, son commanditaire eut une première réaction enthousiaste avant de se raviser et d’abandonner l’idée. Convaincu que son projet dérangeait, Dugain décida d’en faire une trilogie sous forme de livres. L’Emprise est à la fois le titre de la trilogie et de son tome 1.

       L'Emprise, Marc Dugain     L’Emprise tient du roman-feuilleton, les chapitres sont courts, riches en action et en rebondissements ; ils possèdent chacun leur unité, si bien qu’ils eussent pu être publiés dans la presse quotidienne, à la manière des romans du XIXème siècle. Dans cette comédie humaine qui se joue autour du pouvoir, il y a tout une galerie de portraits. Les personnages sont très nombreux, si bien que, comme chez Balzac, le lecteur se doit d’être attentif pour mémoriser leur nom et leur identité.

            Sans être top fastidieux, on peut citer les principaux personnages : Philippe Launay, candidat à l’élection présidentielle et favori des sondages ; Lubiak, son grand rival qui accepte de se retirer de la course à la candidature à condition que Launay s’engage à n’accomplir qu’un seul mandat ; Charles Volone, puissant président de la Française d’électricité ; son numéro deux, Humbert Deloire, au style de vie flamboyant, qui fait de nombreux déplacements en Chine ; Li, maîtresse de Deloire, jeune Chinoise qui s’adonne à la peinture. On peut encore citer Lorraine, agent de la DCRI, chargée de surveiller Li ; elle a un fils, Gaspard, un garçon de seize ans au comportement singulier.

            Dans L’Emprise, il y a des meurtres, des accidents et beaucoup de coups bas. Il se peut que, par moments, le lecteur soit un peu perdu dans le dédale d’affaires politico-financières, mais il reste accroché à l’histoire, d’autant plus qu’aucune longue description ne vient casser le rythme. Dugain n’a peut-être pas un style relevé, ses phrases sont souvent saccadées, mais au moins elles sont claires et se comprennent dès la première lecture.

Vis-à-vis de la société, les hommes politiques

ne sont pas des meneurs, mais des suiveurs

            Au-delà de toutes les péripéties contenues dans son histoire, Dugain propose toute une réflexion sur la société actuelle. Il montre des hommes politiques, Launay et Lubiak en tête, obsédés par la conquête de l’Elysée. Ils sont entourés de communicants et d’experts en sondage qui guident leurs choix en les sous-pesant. Ils ont peu de prise sur les événements et, face à la société et à ses évolutions, ils sont moins des meneurs que des suiveurs. Selon Dugain, Launay est lucide quand il constate l’inefficacité de l’action politique : « Il était conscient qu’une fois au sommet de l’Etat il ne pourrait rien changer en profondeur. Le pouvoir était désormais ailleurs, partiellement insaisissable, et le reprendre exigeait des sacrifices qu’on ne pouvait demander à personne dans le pays. Il se voyait au mieux l’arbitre pondéré entre des égoïsmes contradictoires et antagonistes dissimulant leur véritable nature sous des contours généreux. » Dans L’Emprise, les hommes politiques ne cessent d’avoir le mot « rassemblement » à la bouche, mais il s’agit seulement d’une incantation, car, dans la réalité, le mot qui représente le mieux l’état de fait, c’est le mot « impuissance ».

            Dugain déplore que, depuis la chute du communisme, « l’avidité » soit devenu le seul modèle qui régisse la planète. D’ailleurs, du fait de leur avidité, ses hommes politiques traînent beaucoup de « casseroles » qui pourraient compromettre leurs ambitions. Assez pessimiste, Dugain met en garde les nations « civilisées » contre la Chine, qui, par sa puissance, menace les grands équilibres.

            On peut se féliciter d’avoir en Dugain l’un des rares écrivains français contemporains capables d’écrire des fictions, destinées au grand public, permettant de comprendre la réalité d’une époque. Une fois L’Emprise refermé, on n’a qu’une seule envie, attaquer le tome II de la trilogie : Quinquennat.

 

L’Emprise (Trilogie de l’emprise, tome 1), de Marc Dugain, 2014, collection Folio.

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