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25/09/2017

Manon, de Clouzot

Manon Lescaut au XXe siècle

Manon

Clouzot a transposé le roman de l’abbé Prévost dans la France de l’après guerre. Les personnages sont profondément amoraux et se livrent à toutes sortes de trafic. Cécile Aubry est pleine de fraicheur et de spontanéité dans son personnage de fille facile.

             Vers l’âge de douze ans, Henri-Georges Clouzot avait lu Manon Lescaut, le célèbre roman de l’abbé Prévost, publié au XVIIIe siècle. Devenu cinéaste, il eut l’idée d’en faire un film. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il travailla à l’adaptation du livre et, plutôt que de tourner un film en costumes, il préféra moderniser l’intrigue et la transposer au XXe siècle. Dès lors, son Manon devint un film sur la génération des jeunes de la guerre et de l’après-guerre.

   manon,clouzot,reggiani,cécile aubry,michel auclair,raymond souplex          Manon Lescaut est une jeune fille accusée d’avoir eu, sous l’Occupation, une amourette avec un Allemand. A la Libération, elle est menacée de faire les frais d’une justice expéditive. Elle ne doit son salut qu’à l’intervention d’un résistant du nom de Des Grieux. Ils tombent amoureux l’un de l’autre. Décidés à unir leurs destins, ils montent à Paris rejoindre Léon Lescaut, frère aîné de Manon. Malgré les restrictions, le garçon arrive à « se débrouiller » ; il vit dans le confort grâce à la relation qu’il entretient avec monsieur Paul, dont il est le collaborateur. M. Paul est un profiteur de guerre qui a fait fortune sous l’Occupation, et dont le commerce continue de prospérer grâce aux pénuries de l’après-guerre.

           Très vite Manon envie l’aisance dans laquelle évolue son frère, qui tire profit de différents trafics. Décidée à l’imiter, elle entre dans l’entourage de M. Paul et fait valoir ses avantages auprès de clients fortunés. Elle se livre à ses activités en cachette de Des Grieux. Quand celui-ci apprend la vérité, il ressent une grande souffrance et fait une scène à Manon. Mais la jeune fille parvient à l’apitoyer et à le convaincre qu’elle est ainsi : elle n’aime pas la misère et n’est pas née pour travailler, elle veut s’amuser, briller et danser. Pour garder Manon, des Grieux se résigne à fermer les yeux sur son comportement ; et lui-même, parce qu’il faut bien gagner de l’argent d’une manière ou d’une autre, il se lance dans des trafics juteux.

            Comme dans le roman, les personnages du film, notamment Manon, sont profondément amoraux. La jeune fille n’a pas conscience de mal agir, elle a besoin de beaucoup d’argent pour vivre, et se débrouille comme elle peut pour s’en procurer. Est-ce sa faute si son principal atout réside dans les charmes dont l’a dotée la nature ?

Moins de cinq ans après la Libération,

Clouzot ose montrer des femmes tondues

            Manon est interprétée par Cécile Aubry, alors âgée de moins de vingt ans ; elle fait plus jeune que son âge et ressemble à une femme-enfant. Clouzot l’avait repérée au cours Simon et avait été ébloui par sa spontanéité alliée à la souplesse de son corps, due à la pratique de la danse. Il la dressa et en fit une comédienne. Dans le livre Clouzot cinéaste, de Jean-Louis Bocquet et Marc Godin, Cécile Aubry se rappelle que, dans le cadre de la préparation du tournage, elle se rendait plusieurs fois par semaine au domicile de Clouzot : « Il m’a tout appris, quelques fois durement. Pour me faire articuler, il me faisait lire des pages de Proust, parfois de vingt à trente fois de suite. J’étais un élève devant son professeur. J’obéissais. » C’est sur le plateau de Manon, en dirigeant Cécile Aubry, que Clouzot acquit la réputation de tyranniser ses acteurs.

            A l’origine, Serge Reggiani devait jouer Des Grieux, tandis que Michel Auclair devait jouer Léon Lescaut. Mais, quand Clouzot prit conscience de la petite taille de Cécile Aubry et de sa fragilité, il préféra, pour des raisons de crédibilité, inverser les rôles. Reggiani, mince et souple, devint Lescaut, et Michel Auclair, au physique avantageux de jeune premier, se vit attribuer le rôle de Des Grieux.

            Clouzot était ravi de diriger des jeunes acteurs, qu’il était en mesure de façonner à sa guise, comme s’il avait entre les mains de la pâte à modeler ; ce qu’il n’avait pas pu faire précédemment, quand il dirigeait Louis Jouvet ou Pierre Fresnay.

            Plus qu’un drame, Manon est aussi une étude de mœurs sur la société de l’après-guerre. Clouzot, plutôt que de magnifier la Libération et de glorifier ses héros, insiste sur le côté sordide des règlements de compte. Il ose montrer à l'écran des femmes tondues moins de cinq ans après les faits. Les Français qu’il montre sont des profiteurs qui se livrent à des trafics en tous genres ; et l’officier américain qui intervient dans l’histoire ne vaut pas mieux : il vend au marché noir des surplus de l’armée américaine et même de la pénicilline. Clouzot évoque également l’émigration des juifs vers la Palestine ; leur transport en mer offre à des capitaines de navire peu scrupuleux, l’occasion de s’enrichir à bon compte. Encore une fois, Clouzot fait une peinture peu reluisante de l’humanité, et sa vision noire du monde lui fut reprochée.

            Manon est un film captivant, à l’exception peut-être de la séquence finale qui aurait gagné à être raccourcie de quelques minutes. Le personnage de Manon est attachant, tant Cécile Aubry fait preuve de fraicheur et de naïveté. Son personnage de fille facile annonce les rôles que Brigitte Bardot allait jouer quelques années plus tard, notamment dans La Vérité, sous la direction du même Clouzot.

 

Manon, d’Henri-Georges Clouzot, 1948, avec Serge Reggiani, Cécile Aubry, Michel Auclair et Raymond Souplex, DVD M6 Vidéo.

11/09/2017

Rocco et ses frères, de Visconti

Fresque sociale

Rocco et ses frères

Visconti fait le portrait d’une famille de paysans déracinés, qui quitte le sud de l’Italie dans l’espoir de trouver la fortune à Milan. Le film eut un succès très relatif, mais il contribua à installer l’idée selon laquelle Delon était un acteur de premier plan appelé à jouer sous la direction des metteurs en scène les plus réputés.

            Visconti était un aristocrate appartenant à l’une des plus grandes familles d’Italie. Il vivait dans son palais de Milan, au milieu de ses œuvres d’art et entouré de ses serviteurs. Il mit en scène son milieu social dans des films inoubliables, tels Senso, Le Guépard, Violence et passion… Pourtant, tout au long de sa carrière, Visconti ne fit pas que filmer des princes et des princesses. On ne saurait oublier qu’il fut l’un des fondateurs du mouvement néoréaliste et qu’à ce titre, il s’intéressa aux paysans et aux ouvriers. Ici, il conte l’histoire d’une famille de paysans déracinés qui peinent à s’adapter à la grande ville, dont ils ignorent les codes et les usages.

         rocco et ses frères,visconti,delon,annie girardot,renato salvatori,katina paxinou,claudia cardianle,hanin,suzy delair   Rocco et ses frères est en premier lieu une fresque sociale. L’œuvre a une forme presque littéraire, avec une division en chapitres, lesquels sont au nombre de cinq, soit un chapitre pour chacun des cinq frères.

            A la mort de son mari, Rosaria et ses fils, dont Rocco, quittent leur village du sud de l’Italie et montent à Milan dans l’espoir d’y trouver la fortune. Ces méridionaux, ces cul-terreux disent certains, ne passent pas inaperçus auprès de la population locale. Quand, le jour de leur arrivée, à bord du tramway un receveur indique à Rosaria qu’elle doit descendre au terminus, elle se fait répéter ce mot dont visiblement elle ne comprend pas le sens. Ils sont comme perdus dans ce nouvel univers. Ils logent dans des conditions précaires et peinent à trouver du travail, alors que pourtant Milan connaît une croissance prodigieuse qui se mesure au nombre de grands ensembles en cours de construction. Rocco lui-même, en dépit de son jeune âge, avoue être mal à l’aise dans cette société urbaine qui est individualiste et qui repose sur le désir matériel.

            Rosaria rêve d’ascension sociale pour ses cinq fils. Mais, s’ils suivent les chemins balisés tels que les a tracés la société, alors la seule réussite qui s’offre à eux est de travailler comme OS (ouvrier spécialisé), ce qui n’a rien de gratifiant. Dès qu’il franchit la porte de l’atelier, l’ouvrier abdique sa liberté et se soumet à l’autorité du contremaître, auquel il doit obéir comme si, nous dit-on, il était un animal.

            Pour ces jeunes gens, le sport, ou plus précisément la boxe, représente le seul moyen d’échapper à une espèce de déterminisme social. Or Rocco et l’un de ses frères, Simone, se font repérer pour leurs capacités à boxer et entament une carrière sportive. C’est alors que Katia, une fille facile, entre dans la vie de Simone. Ils tombent amoureux. Mais Simone se révèle un être violent et prend l’habitude de la battre.

            La jeune femme fait ensuite la connaissance de Rocco, un être tout en douceur, très différent de son aîné. Elle tombe sous son charme. Mais Simone ne peut accepter que Rocco lui « vole » son amie et décide de la reprendre. Plutôt que de résister, le cadet cède devant son aîné, comme s’il avait le sentiment d’avoir commis une faute.

Delon était peu connu du grand public

quand Visconti le choisit pour jouer Rocco

            Pour jouer Rocco, Visconti choisit Alain Delon. L’acteur, âgé de vingt-quatre ans, venait de terminer le tournage de Plein Soleil, dans lequel il tenait le premier rôle, mais le film de René Clément n’était pas encore sorti. Autrement dit, quand Visconti porta son choix sur Delon, celui-ci était encore peu connu du grand public et rien ne laissait présager qu’il aurait la carrière que l’on sait. Par la suite Visconti déclara que s’il avait été contraint de prendre un autre acteur, il aurait renoncé à son projet. Il avait été séduit par la candeur et la mélancolie de Delon, lequel était capable de se charger de haine dès qu’il montait sur le ring.

            Dans le rôle de Katia, Annie Girardot est aguicheuse et truculente. Tandis que Rocco semble vivre dans son rêve, elle, elle a les pieds sur terre et ne manque pas de répondant. Annie Girardot trouva ici l’un de ses meilleurs rôles. Visconti avait porté son choix sur elle, notamment parce qu’elle était une authentique comédienne de théâtre, sortie du Conservatoire. Il est d’ailleurs préférable de voir ce film dans sa version française afin de profiter des timbres de voix d’Alain Delon et d’Annie Girardot.

            Visconti fit un choix radicalement contraire pour le rôle de Simone en recrutant Renato Salvatori, lequel n’était en rien un acteur professionnel. Il fut sélectionné, non pour sa capacité à donner la réplique, mais pour son physique et son caractère. Avec naturel il se montre violent dans le personnage de Simone, tout en étant attaché à sa mère qu’il aime profondément. Il a du mal à échapper à son emprise ; et elle, elle se montre possessive et envahissante. Elle entend qu’aucun de ses fils ne prenne une décision engageant son avenir sans l’avoir consultée au préalable.

             Roger Hanin en propriétaire de la salle de boxe se montre plus attiré par les boxeurs que par la boxe. Pour donner le change, il ne se déplace jamais sans être entouré de jolies filles. Il exerce sa domination sur certains êtres, notamment ceux qui voient en la boxe le moyen de leur salut.

              Le film fut tourné au début de 1960 et sortit à Paris l’année suivante. Entre-temps Delon était devenu une vedette. Plein Soleil avait rencontré un énorme succès et avait fait le tour du monde. Rocco et ses frères n’eut pas le même impact auprès du public ; cependant il fit date dans la carrière de l’acteur en installant l’idée selon laquelle il était appelé à jouer sous la direction des cinéastes les plus prestigieux.

 

Rocco et ses frères, de Luchino Visconti, 1960, avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Katina Paxinou, Claudia Cardinale, Roger Hanin et Suzy Delair, DVD René Chateau.

10/04/2017

Europe 51, de Rossellini

La vie édifiante de sainte Ingrid-des-Pauvres

Europe 51

Une jeune femme superficielle et mondaine, interprétée par Ingrid Bergman, perd brutalement son fils. Elle éprouve alors un sentiment de culpabilité et change radicalement de vie. Elle va vers les pauvres pour les décharger d’une part de leur fardeau, espérant ainsi trouver le chemin de la rédemption. Dans Europe 51, Rossellini imagine ce qui se passerait si saint François d’Assise revenait parmi nous. Selon le cinéaste, il serait déclaré fou et envoyé à l’asile.

            Irene Girard est l’épouse du directeur de la filiale italienne d’une multinationale. Elle vit dans un immeuble luxueux de Rome, avec son mari et leur fils Michel, un garçon d’une dizaine d’années. Elle est une jeune femme futile, une mondaine pour laquelle seuls comptent les relations et les dîners en ville. Elle n’a guère de temps de s’occuper de son fils ; or c’est un enfant sensible qui ne s’est jamais complètement remis de ses années passées à Londres sous les bombardements. Il ne s’intéresse à rien et, quand des invités arrivent avec un cadeau à son intention, il ne prend même pas la peine de l’ouvrir.

            Un jour c’est le deurope 51,rossellini,ingrid bergman,alexander knox,ettore giannini,giuletta massina,sandro franchinarame : Michel est retrouvé agonisant au bas de la cage d’escalier de leur immeuble. Il meurt quelques heures plus tard. Quand Irene apprend la vérité sur les circonstances de l’« accident » de son fils, elle se sent aussitôt coupable de sa mort. Dans les semaines qui suivent, elle reste dans un état prostration et se montre incapable de refaire surface, malgré l’insistance de son mari qui la supplie de se montrer forte et de reprendre goût à la vie.

            C’est alors qu’un journaliste ami de la famille la persuade que sa vie n’est pas finie, car elle peut se rendre utile aux autres. Il lui ouvre les yeux sur l’humanité qui l’entoure et les misères à soulager. Il l’emmène visiter un couple d’ouvriers qui n’a pas suffisamment d’argent pour acheter les médicaments nécessaires à l’un de ses enfants qui est gravement malade.

            Irene n’a pas besoin de courir la terre pour découvrir un monde inconnu. Il lui suffit de prendre l’autobus et d’aller à l’autre bout de Rome. Une fois arrivée dans un faubourg de la ville, elle se trouve confrontée à une réalité sociale qui la laissait indifférente auparavant. Irene la superficielle change alors de vie ; elle se met au service des pauvres et les aide à porter leur fardeau, espérant ainsi trouver le chemin de la rédemption. Sous nos yeux, Irene se métamorphose et acquiert une conscience sociale.

 Les scènes en usine sont directement inspirées

du témoignage de la philosophe Simone Weyl

            Rossellini eut l’idée de son film en se demandant ce qui se passerait si saint François d’Assise revenait aujourd’hui. Selon le cinéaste, on le déclarerait fou et on l’enverrait à l’asile. Dans le film, saint François d’Assise, c’est Irene incarnée par Ingrid Bergman. Sa volonté de secourir les pauvres est incomprise de son entourage, lequel est stupéfait d’apprendre qu’elle est allée travailler quelques jours en usine pour remplacer une ouvrière. Son mari, dans un premier temps, la soutient avant de se convaincre qu’elle a perdu la raison. Pour lui et son entourage, elle est folle, non parce qu’elle soulage les pauvres, mais parce qu’elle ne respecte plus les conventions sociales. Peu importe qu’elle fasse le bien autour d’elle, peu importe que son attitude soit hautement morale ; ses proches, eux, constatent que son comportement est anormal, dans le sens qu’il n’est pas conforme à la norme. Irene compromet l’équilibre de l’édifice social.

              Les scènes d’Irene en usine sont directement inspirées du témoignage de Simone Weyl. Intellectuelle agrégée de philosophie, elle avait rompu avec son milieu pour aller travailler comme manœuvre au milieu des ouvriers. On retrouve certaines de ses idées dans le film, notamment quand Irene découvre que le travail à la chaîne aliène l’homme. C’est à ce moment-là que la jeune femme a un premier point de désaccord avec son ami journaliste. En tant que communiste, celui-ci voit le travail comme un moyen de libération, tandis qu’Irene, se rappelant la phrase « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », y voit une damnation. Elle s’écarte définitivement de lui quand il l’invite à construire le paradis sur terre ; cette proposition ne la satisfait pas, car ce paradis sur terre exclurait Michel qui est mort. Irene, elle, ne veut pas que le paradis soit réservé aux vivants, elle veut travailler pour Michel, c’est-à-dire pour l’éternité.

Pour Rossellini, ce n’est pas la jeunesse,

mais les morts qui dominent le monde

            C’est là l’une des idées maîtresses de Rossellini, selon qui ce n’est pas la jeunesse, mais les morts qui dominent le monde. Ce sont ceux qui nous ont précédés qui décident de nos actes, nous sommes dépendants de l’héritage qu’ils nous ont laissé. C’est ainsi que le souvenir de Michel guide quotidiennement les gestes d’Irene.

            Convaincue que la mort de son fils est la conséquence de son manque d’amour pour lui, elle en tire la conclusion que le mal en ce monde naît du manque d’amour et tente dorénavant d’y remédier.

            Commentant son film deux ans après sa sortie, Rossellini déclara : « J’ai eu l’impression de m’exprimer avec un maximum de sincérité. Mon message est un message de foi, d’espoir et d’amour… un appel à l’humanité. Dans mes films il y a un anxieux désir de foi, d’espoir et d’amour… Il y a toujours le problème de la spiritualité, du déclin des valeurs humaines. » D’où le titre Europe 51 voulu par le cinéaste, le film étant censé mettre l’accent sur le vide spirituel de l’Europe d’après-guerre.

            Europe 51 n’est pas le meilleur film de Rossellini, il n’est pas aussi abouti qu’Allemagne année zéro. La construction souffre de discontinuité et d’un manque d’unité. De fait, il y a deux parties distinctes dans ce film : la première partie, celle qui montre Irene la superficielle se désintéressant de son fils, est la plus réussie ; la seconde partie, qui la montre sur le chemin de la rédemption, peut paraître surchargée en considérations philosophiques. Et pourtant, elle est passionnante à suivre, car elle met en scène des personnages qui ne sont pas d’un bloc. Rossellini dépeint des caractères riches et complexes : Irene elle-même ne sait pas très bien où elle va ; son mari se persuade, à tort, qu’elle le trompe avec leur ami journaliste ; sa mère croit qu’elle est devenue communiste ; et l’un des spécialistes qui l’examine est gagné par le doute, il ne sait plus très bien s’il a affaire à une exaltée ou à une missionnaire, et il se rappelle que, par le passé, beaucoup de personnes ont été condamnées au bûcher pour avoir eu raison contre tout le monde.

            L’interprétation d’Ingrid Bergman fait oublier tous les défauts que le film peut contenir. Elle est émouvante dans le rôle d’Irene, dont certains disent qu’elle est folle, tandis que d’autres la prennent pour une sainte. Le plan montrant Ingrid Bergman derrière les barreaux frappe l’imaginaire du spectateur.

 

Europe 51, de Roberto Rossellini, 1952, avec Ingrid Bergman, Alexander Knox, Ettore Giannini, Giuletta Massina et Sandro Franchina, DVD Tamasa Diffusion.