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30/06/2014

Lincoln, l'homme qui sauva les Etats-Unis, de Bernard Vincent

 Un Lincoln profondément humain

 Lincoln,

 l’homme qui sauva les Etats-Unis

 L’intérêt du livre de Bernard Vincent est de nous faire découvrir un Lincoln profondément humain. Abraham Lincoln était un géant d’un mètre quatre-vingt-douze, qui avait fait tous les métiers dans sa jeunesse. Autodidacte, il fit preuve de persévérance et accéda à la profession d’avocat. Entré en politique, il fut élu président des Etats-Unis. Il se montra à la hauteur de la fonction, alliant l’efficacité à l’honnêteté, et gagna la guerre de Sécession.

             Lincoln est entré dans l’histoire pour avoir été le président des Etats-Unis qui a gagné la guerre de Sécession et aboli l’esclavage. Mais sa figure semble lointaine aujourd’hui, presque figée dans sa statue de père de la nation américaine. Le mérite du livre de Bernard Vincent est de nous faire découvrir l’être de chair, sa personnalité et son intimité.

  lincoln,l’homme qui sauva les etats-unis,bernard vincent           Abraham Lincoln, « Abe », est grand, très grand pour l’époque, il mesure un mètre quatre-vingt-douze. Il n’est pas beau : son visage est buriné et ses oreilles sont en forme de chou. Il n’est pas élégant : sa redingote est mal coupée, son pantalon trop large descend à peine jusqu’aux chevilles, et son éternel haut-de-forme accentue son apparence décharnée.

             Le juriste Edwin Stanton avait refusé de collaborer avec lui quand tous deux exerçaient la profession d’avocat, sous prétexte qu’il ne s’abaisserait pas à travailler avec « ce grand singe aux longs bras ». Cela n’empêcha pas le même Stanton de devenir plus tard secrétaire à la Guerre du président Lincoln et de lui rester fidèle dans les mauvais jours.

             En feuilletant le cahier photo du livre, le lecteur découvre un Lincoln imberbe jusqu’à l’âge de cinquante-et-un ans. Son collier de barbe légendaire n’apparait qu’après son élection à la présidence, en 1860. Bernard Vincent nous donne l’explication de ce changement d’apparence. Lors de la campagne électorale, une petite fille de onze ans lui recommanda de se laisser pousser la barbe ; elle lui écrivit : « Vous seriez plus beau, car votre visage est si maigre ! » Quelques mois plus tard, c’est un Lincoln barbu qui alla à la rencontre de la fillette.

 Le jeune Lincoln avait été bûcheron

             Si le visage de Lincoln est osseux, l’homme est musclé. Il avait été bûcheron dans sa jeunesse. Il avait d’ailleurs fait tous les métiers : écrivain public, commerçant, receveur des postes, aventurier et avocat. Lincoln est un autodidacte, il n’avait pas fréquenté d’université, et c’est par son goût de la lecture allié à la persévérance qu’il put accéder au barreau.

             Devenu avocat, il se fit vite la réputation d’être efficace et rigoureux. Il fut d’autant plus demandé qu’aucun dossier ne le rebutait. Ce n’était pas un homme d’argent, il lui arrivait même de plaider gratuitement. Il gagna le surnom d’Honest Abe et, lors d’une allocution prononcée en 1850, il prodigua des conseils à de jeunes avocats, des conseils qui restent valables : « Choisissez d’être honnête en toute circonstance et, si vous estimez ne pouvoir être un avocat honnête, alors optez pour l’honnêteté et abstenez vous d’être avocat. »

             Plus surprenant, Lincoln est un être mélancolique, en proie à la dépression. En 1842, il se rendit à son mariage comme à l’abattoir, pressentant peut-être le déséquilibre psychologique de celle qui allait devenir son épouse.

             En 1850, la tragédie frappe le couple : l’un de leurs enfants, Eddie, meurt. A ce moment-là, les Lincoln, n’étant pas croyants, ne purent compter sur le secours de la religion. Suite à ce deuil, ils se rapprochèrent du christianisme. En 1862, la mort frappa à nouveau : un second fils, Willie, décéda, à la Maison-Blanche. Abraham Lincoln devint alors un homme profondément religieux, citant Dieu dans ses discours. Quant à son épouse Mary, elle commença de sombrer dans la folie. La situation devint tellement pénible pour Abe qu’il trouva dans la conduite de la guerre un dérivatif à ses soucis conjugaux et à son chagrin.

             Bernard Vincent insiste sur le fait que Lincoln, avant sa victoire à la présidentielle, n’avait pas eu une carrière politique particulièrement brillante. Certes il avait emporté des victoires, mais il avait aussi subi d’humiliantes défaites. En 1859, il avait été battu par le démocrate Stephen Douglas dont il disputait la réélection au sénat fédéral. Un an plus tard, il prenait sa revanche sur le même Stephen Douglas en le battant à l’élection présidentielle de 1860. Mais la victoire de Lincoln fut étroite, il ne gagna qu’à la majorité relative des voix, si bien qu’il fut surnommé le minority president.

 Lincoln, un président faible qui s’installe à la Maison Blanche

             C’est un président faible qui s’installa à la Maison Blanche en mars 1861. Les conditions de son élection et sa réputation d’anti-esclavagiste déclencha la sécession des Etats du Sud. Pourtant Lincoln avait fait le maximum pour les rassurer. Tout en rappelant son hostilité à l’extension de l’esclavage dans les Etats entrant dans l’Union, il confirma dans son discours d’investiture qu’il n’était pas question pour lui de contester aux Etats existants le droit de détenir des esclaves.

             Cette tentative de compromis ne suffit pas à empêcher la guerre civile. Le maintien de l’Union fut alors la priorité de Lincoln. Ainsi, en 1862, il écrivit : « Si je pouvais sauver l’Union sans libérer un seul esclave, je le ferais ; si je pouvais la sauver en libérant tous les esclaves, je le ferais ; et si je pouvais y parvenir en libérant certains sans toucher aux autres, je le ferais aussi. » En réalité, au moment où il publiait ce texte dans la presse, en homme politique habile il travaillait déjà à un projet d’émancipation générale qui fut voté en 1865, quelques mois avant la fin de la guerre.

             Ce qui frappe dans la personne de Lincoln, c’est sa rigueur morale associée à la lucidité et au souci d’efficacité. Il tance les généraux qui ne poussent pas leur avantage pour emporter la victoire finale, mais il sait rester à sa place en ne se mêlant pas du commandement opérationnel. Il fait preuve de constance en se battant pour la sauvegarde de l’Union et l’abolition de l’esclavage, tout en tâtonnant dans la recherche, au jour le jour, de solutions. Il se trompe quelques fois et reconnaît ses erreurs. Ainsi, dans les derniers jours de la guerre, il reconnut l’assemblée rebelle de Virginie, espérant ainsi hâter le retour de cet Etat dans l’Union. Puis, devant les réactions courroucées des membres de son cabinet, il se ravisa.

 Le discours de Gettysburg dura deux minutes

             Le sommet de la carrière de Lincoln fut peut-être le discours de Gettysbourg, prononcé sur le lieu de la célèbre bataille, victoire du Nord sur le Sud et surtout énorme massacre, avec un homme en moyenne tombant à chaque seconde de la confrontation. Le 19 novembre 1864, Lincoln arriva à Gettysbourg pour inaugurer le cimetière militaire des morts de la bataille. Un vénérable sénateur prononça un discours soporifique de plus de deux heures. Puis le président prit la parole et s’exprima pendant seulement deux minutes. Dans son très bref discours, Lincoln ne parla ni de la bataille, ni du Sud, ni du Nord, ni de l’esclavage ; au lieu de cela, il prononça une allocution à connotation religieuse sur la liberté et la démocratie. Son discours frappa tellement les esprits qu’encore aujourd’hui les écoliers américains l’apprennent par cœur.

             Lincoln n’eut guère le temps de savourer sa victoire. Lui qui disait ne pas savoir s’il sortirait vivant de la Maison Blanche, fut assassiné le vendredi saint de l’année 1865, quelques jours après la reddition du général Lee.

             Il y a quelque chose de prophétique, presque de messianique dans le destin de Lincoln. Il croyait fermement en l’avenir des Etats-Unis, il était plein d’espérance quand en 1862, en pleine guerre civile, il annonça dans son discours au Congrès un avenir prometteur pour le pays. Alors que les Etats-Unis étaient encore peu peuplés à l’époque, Lincoln, fort confiant, prévoyait qu’ils compteraient deux-cent-cinquante millions d’habitants en 1930.

             Le lecteur qui connaît déjà un peu la guerre de Sécession trouvera beaucoup d’intérêt au livre de Bernard Vincent. Celui qui connaît moins bien l’histoire des Etats-Unis aura peut-être plus de mal à se repérer dans le conflit entre le Nord et le Sud, mais il sera fasciné par la personne de Lincoln, que Bernard Vincent décrit très bien. En plus, le livre contient un cahier photos assez complet.

  

Lincoln, l’homme qui sauva les Etats-Unis, de Bernard Vincent (2009), éditions de l’Archipel.