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09/11/2015

L'Homme irrationnel (Irrational Man), de Woody Allen

Le crime comme thérapie

L’Homme irrationnel

(Irrational Man)

L’Homme irrationnel est à la fois un film intellectuel et un film grand public. Une étudiante est fascinée par son professeur de philosophie. Celui-ci, pourtant, est une épave qui a un problème avec l’alcool. Il ne trouve pas de sens à son existence, jusqu’au jour où il projette un crime.

            En 2005, Woody Allen montrait dans Match Point comment le hasard d’une rencontre pouvait transformer un homme en meurtrier. Dix ans plus tard, il reprend cette même thématique en l’enrichissant philosophiquement. Le titre anglais du film, Irrational Man, reprend celui d’un livre que Woody Allen avait lu lorsqu’il était jeune homme. Ce livre, publié en 1958, expliquait aux Américains ce qu’est l’existentialisme.

       l’homme irrationnel,irrational man,woody allen,joaquin phoenix,emma stone,parker posey,jamie blackley     Le personnage principal du film, Abe Lucas, est professeur de philosophie. Précédé d’une solide réputation, il prend son nouveau poste, dans un collège universitaire de Newport, ville huppée de la côte nord-est des Etats-Unis. Au cours de son enseignement, il repère une étudiante à qui il fait un compliment bien troussé, pour la qualité de sa réflexion. La jeune femme, Jill, tombe aussitôt sous le charme du professeur. Pourtant il n’a rien d’un séducteur. Il est ventripotent, il vit seul et, visiblement, il a un problème avec l’alcool ; ainsi il ne se sépare jamais de sa bouteille de gin. En clair, il a l’air d’une épave. Jill cherche à le sortir de la solitude et aimerait qu’il s’intéresse encore un peu plus à elle. Mais Abe Lucas ne cherche pas à la conquérir. En fait, il a perdu le goût de vivre. Il trouve la vie absurde et désespère de donner un sens à son existence.

            Comme tous les films de Woody Allen, L’Homme irrationnel a un côté intellectuel. Ainsi Abe Lucas brille auprès de Jill à coups de citations d’auteurs, de Kant à Sartre et Simone de Beauvoir en passant par Heidegger. Cependant, même un spectateur qui n’entend rien à la philosophie trouvera de l’intérêt à ce film, car c’est avant tout un thriller, un suspense avec un meurtre au cœur de l’intrigue.

            Abe Lucas va trouver un sens à son existence en usant d’une forme de thérapie bien particulière ; il va commettre un crime, non un crime dont le motif lui profiterait, mais un crime altruiste, au profit d’un autre. On pourrait même dire que son crime va rendre service à la société prise dans son ensemble. Une fois le meurtre accompli, il retrouve, littéralement, le goût et l’appétit de vivre ; d’autant plus qu’il a commis le crime parfait. Rien ne le relie à sa victime, et il est suffisamment intelligent et réfléchi pour avoir soigneusement prémédité son crime. Il n’a donc rien à craindre de l’enquête.

Emma Stone, dans le rôle de Jill,

est pleine de fraîcheur

            Joaquin Phénix donne de l’épaisseur au personnage d’Abe Lucas. Mais c’est surtout Emma Stone, dans le rôle de Jill, qui retient l’attention. Elle est pleine de fraîcheur et a trouvé en Abe son gourou. Elle aussi, elle est altruiste en cherchant à le sortir de sa solitude. Elle va jusqu’à délaisser son petit ami, un étudiant lisse et fade, moralement vieilli avant l’âge, et qui fait pâle figure en comparaison d’Abe. Quand Jill a l’intuition de la vérité, elle refuse de la voir en face, tellement elle est aveugle dès qu’il s’agit d’Abe, à qui un sentiment fort l’attache. La confrontation finale qui les met en scène rappelle par certains aspects le dénouement de L’Ombre d’un doute (Shadow of a doubt), d’Hitchcock.

            Le campus qui sert de décor au film lui donne son unité. C’est un monde clos, une espèce de cocon replié sur lui-même. Les professeurs vivent au milieu des élèves et la rumeur va bon train.

            Ce film peut être vu en version originale, tant, comme souvent chez Woody Allen, la bande-son est claire. Ainsi, lors d’une scène dans un café, aucun bruit de vaisselle, aucun bruit d’ambiance intempestif ne vient polluer le dialogue.

            Le spectateur trouvera du plaisir à ce film grand public qu’est L’Homme irrationnel, mais il peut lui préférer Match Point, dont la construction et la narration paraissent plus efficaces.

 

L’Homme irrationnel (Irrational Man), de Woody Allen, 2015, avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey et Jamie Blackley, actuellement en salles.