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14/09/2015

La Peau douce, de Truffaut

L’engrenage fatal d’un adultère

La Peau douce

Un homme d’âge mûr se prend de passion pour une jeune hôtesse de l’air qui devient son idée fixe. Il la retrouve en cachette et s’efforce de donner le change à sa femme et à son entourage. Truffaut, qui a assimilé les leçons d’Hitchcock, filme ce drame de l’adultère comme un suspense.

            Directeur de la revue Ratures, Pierre Lachenay est un spécialiste reconnu de littérature française. Son dernier livre, Balzac et l’argent, fait autorité. Invité à donner une conférence au Portugal, il prend l’avion, et, au cours du vol, il repère la jeune hôtesse de l’air qui assure le service. Coïncidence : à Lisbonne, tous deux descendent dans le même hôtel. Ils se reconnaissent et sympathisent. Il l’invite à boire un verre au restaurant de l’hôtel. Il lui parle de Balzac et arrive à retenir son attention. Pendant toute une soirée il l’abreuve de paroles et elle les boit. La différence de classe sociale et l’écart d’âge ne semblent pas un obstacle. Rentré à Paris, Lachenay veut absolument revoir Nicole, la jeune hôtesse de l’air. Elle est devenue son idée fixe.

 La Peau douce, truffaut, Dorléac, Jean Desailly, Daniel Ceccaldi, Nelly Benedetti           Pierre Lachenay est un homme d’âge mûr. C’est un individu rangé et un mari fidèle, père d’une fillette. Jusqu’ici il n’a jamais trompé sa femme, mais le démon de midi s’est emparé de lui. Sa passion pour Nicole est plus forte que tout et menace de le consumer. Depuis qu’il a fait sa connaissance, il est devenu un autre homme. Lui-même ne se reconnaît plus. Dorénavant sa vie est orienté dans un seul but, être auprès d’elle. Cet objectif conditionne toutes les décisions qu’il a à prendre. Invité dans une ville de province à donner une conférence sur Gide, il pense d’abord refuser. Mais quand il s’aperçoit que cela lui donne l’occasion de s’éloigner de sa femme et de retrouver Nicole en toute liberté, il accepte, quitte à mentir aux autres, mais aussi à lui-même, en ce qui concerne ses véritables motivations.

            Le spectateur sait que Lachenay veut revoir sa maîtresse et se demande comment il va s’y prendre pour donner le change à son entourage, car Lachenay tient à sa respectabilité ; il veut continuer de fréquenter régulièrement Nicole sans que quiconque soit au courant. Mais mener une double vie n’est pas son fort. Il se montre maladroit, est un piètre dissimulateur et s’enferre dans ses mensonges. Lachenay se place tout seul dans une situation intenable et sans issue.

            La force de Truffaut est d’avoir filmé ce drame de l’adultère comme un suspense. Autant on peut émettre des réserves sur les films noirs qu’il a tournés, autant ici la réussite est complète. Pour narrer son histoire, il a assimilé les leçons d’Hitchcock. Dès les premières minutes, le suspense se met en place dans un moment banal de la vie quotidienne. Lachenay est en route pour l’aéroport, mais sa voiture est prise dans un embouteillage, si bien qu’il risque de manquer son avion. Dans ces instants, l’accompagnement musical renforce la tension. La partition de Georges Delerue fait penser aux musiques de Bernard Hermann, le compositeur « attitré » d’Hitchcock.

            Dans ses films, Truffaut accorde beaucoup d’importance à ses personnages. Ici c’est encore le cas. La relation entre Lachenay et Nicole, joués par Jean Desailly et Françoise Dorléac, apparaît vite comme étant intense, alors qu’a priori tout les oppose. Lachenay est le prototype du bourgeois intellectuel, installé dans la vie, qui a beaucoup lu et beaucoup réfléchi. Il traite Nicole en fillette, lui disant qu’il la préfère en robe, plutôt qu’en blue-jean, et il aime à l’appeler « ma petite fille ». Pourtant, malgré sa jeunesse, c’est elle qui se montre plus raisonnable et plus réfléchi que lui. Même si elle a plaisir à le voir, elle comprend bien que leur relation ne peut être durable. Mais lui, aveuglé par sa passion, refuse de voir la réalité en face. Il se comporte comme un grand enfant, se trouve à chaque fois des excuses et refuse de rompre, alors qu’il est encore temps. Tout cela est appelé à déboucher sur ce qu’un personnage du film appelle « un beau gâchis ».

 

La Peau douce, de François Truffaut, 1964, avec Françoise Dorléac, Jean Desailly, Nelly Benedetti et Daniel Ceccaldi, DVD MK2.