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25/11/2013

Le Désert des Tartares, de Dino Buzzati

Le soldat et la mort

Le Désert des Tartares

 

L'histoire racontée dans ce livre est maintenant bien connue : affecté dans un fort lointain, un soldat attend l’ennemi qui le fera héros. Au-delà, Dino Buzzati nous propose une réflexion sur la vie et sur la mort.

            C’est un livre captivant, bien qu’il ne contienne quasiment pas d’action. Il est peu épais et rythmé par des chapitres courts. Le Désert des Tartares nous apporte en premier lieu le dépaysement. L’histoire se déroule dans un pays imaginaire, le royaume du Nord. Le jeune lieutenant Drogo reçoit sa première affectation : le fort Bastiani. Bien que le roi Pietro III ait déclaré le fort Bastiani sentinelle avancée de sa couronne, nous nous apercevons vite de son isolement. Le lieu est aux confins du royaume, dans une zone montagneuse, coincé entre la lointaine ville et le désert des Tartares, d’où l’ennemi peut surgir à tout moment. Mais, comme nulle armée ne s’est montrée depuis des années, plus personne ne croit à la menace.

            le désert des tartares,buzzatiDans un premier temps, Drogo n’a qu’une idée en tête, quitter le fort où il a été affecté contre son gré. Mais, au bout de quatre mois, quand la possibilité de départ s’offre à lui, il préfère rester, non par héroïsme, mais parce qu’il a pris ses habitudes : il est devenu prisonnier de la routine du fort et reste par facilité. Et pourtant, que la vie y est étriquée, régie par le règlement jusqu’à l’absurdité. Un soir, un soldat de la garnison qui avait manqué à l’appel se présente aux portes du fort. La sentinelle croit reconnaître un camarade, ce qui ne l’empêche pas de tirer sur lui après les sommations d’usage, ainsi que le règlement l’exige. Le soldat s’effondre, touché à mort. Le sous-officier de semaine est catastrophé, non parce qu’un homme est mort, mais parce qu’il risque d’être sanctionné pour cette bavure. Quant au commandant, il se réjouit de ce que la sentinelle ait fait mouche du premier coup malgré l’obscurité.

            En attendant l’arrivée bien improbable de l’ennemi, le lieutenant Drogo mène la vie de caserne sans s’apercevoir qu’il y laisse sa jeunesse et, nous lecteur, nous comprenons alors que Dino Buzzati nous propose une réflexion sur la vie et la mort. Le fort est situé entre la ville et le désert : la ville, avec son animation, représente la vie ; tandis que le désert, dans son immense solitude et avec la menace ennemie, représente la mort, dont nul ne sait ni le jour ni l’heure. Usant d’une image, Buzzati nous montre d’abord Drogo dans l’insouciance de la jeunesse, cheminant placidement sur la route de la vie sous un soleil resplendissant ; du seuil de leurs maisons, les grandes personnes lui font des signes amicaux et lui montrent l’horizon avec des sourires complices. Puis, à mesure que Drogo vieillit, le soleil se déplace et se fait plus pâle, tandis que des portes se ferment derrière lui ; aux fenêtres il n’aperçoit plus que des visages immobiles et indifférents. Quand, après quatre ans passés au fort, Drogo retourne en ville pour sa première permission, il retrouve sa mère et ses proches. Mais il se rend compte amèrement que plus rien n’est comme avant. Certes, sa mère est toujours là et sa chambre d’enfant est restée intacte. Mais, après avoir été éloigné de ses proches pendant quatre ans, il comprend que sa route s’est écartée de la leur. Les personnes qui lui étaient familières sont maintenant comme des étrangers pour lui. Il ne reste plus à Drogo qu’à retourner au fort en espérant une attaque ennemie qui lui permette une action héroïque, car, comme le fait remarquer un officier : « Nous désirons la guerre, nous attendons l’occasion favorable, nous crions à la malchance parce qu’il n’arrive jamais rien ». Au fort Bastiani Drogo attendra que son destin s’accomplisse.

 

PS : Le Désert des Tartares a inspiré à Jacques Brel la chanson Zangra.

 

Le Désert des Tartares de Dino Buzzati (1949), collection Le Livre de poche (épuisé) et Press Pocket.