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11/12/2017

Les Ripoux, de Zidi

L’une des meilleures comédies de Zidi

Les Ripoux

Cette comédie de Claude Zidi est aussi une étude de mœurs, qui décrit le quotidien d’un commissariat d’arrondissement. Le tandem Noiret-Lhermitte, tout en contraste, a beaucoup contribué au succès de ce film, qui popularisa le terme « ripou » dans les années quatre-vingt.

            Longtemps Claude Zidi n’eut pas bonne réputation. Au début des années soixante-dix, il se fit connaître en mettant en scène les Charlots dans des comédies qui furent de gros succès populaires, mais qui le mirent dans le collimateur de nombreux critiques. Il est vrai qu’avec le recul ces films, qui firent tant rire les jeunes gens de l’époque, apparaissent indigents par la pauvreté de leur scénario et la platitude de leur réalisation. Par la suite, Zidi n’arrangea pas son cas en réalisant d’autres comédies, dont les fameux Sous-Doués, qui lancèrent la vague des films potaches.

       les ripoux,zidi,noiret,lhermitte,grace de capitani,régine,julien guiomar,claude brosset    En 1984, à l’occasion de la sortie des Ripoux, Zidi récolta pour la première fois des critiques positives, lesquelles étaient largement méritées. Il est parvenu ici à réaliser une œuvre qui tient à la fois de la comédie et de l’étude de mœurs, en exposant le quotidien d’un commissariat d’arrondissement, situé quelque part entre Barbès et la Porte de La Chapelle.

            La réussite du film doit beaucoup au contraste existant à l’intérieur du couple Noiret-Lhermitte. Le truculent Philippe Noiret incarne le vieux policier désabusé et revenu de tout, qui doit désormais faire équipe avec le très sobre Thierry Lhermitte, jeune policier zélé, vertueux et idéaliste. Le cadet est consterné de découvrir que son aîné s’est construit, au fil des années, une vie confortable qui frise souvent l’illégalité, quand elle ne tombe pas carrément dedans : il déjeune à l’œil dans un restaurant où il a ses habitudes ; il ferme les yeux sur les petites infractions et accepte les cadeaux tant qu’ils ne dépassent une valeur raisonnable ; et, pour couronner le tout, il partage sa vie avec une ancienne prostituée. Ses pratiques lui valent d’être qualifié de « ripou ».

Avant de découvrir le scénario,

Noiret ne connaissait pas le mot « ripou »

            Dans ses mémoires, Philippe Noiret se rappelle que, avant de découvrir le scénario que lui soumettait Zidi, il ne connaissait pas le mot « ripou ». Considérant que le public était dans le même état d’ignorance que l’acteur, Zidi glissa une explication de texte en cours de film, pour éclairer les spectateurs sur le mot « ripou » et, plus généralement, sur l’usage du « verlan », ce type de langage étant inconnu de la plupart des spectateurs de l’époque.

            Le film est très rythmé et démarre sur les chapeaux de roue. On peut certes objecter que la séquence d’ouverture reprend une ficelle déjà utilisée par Maurice Leblanc au début du Bouchon de cristal, mais elle n’en demeure pas moins efficace. Les scènes en extérieur montrent dans le détail un Paris populaire et bigarré (lequel est encore un Paris à l’ancienne, loin de la périphérie et des grands ensembles), avec ses trottoirs grouillant d’animation. Dans les scènes d’intérieur, au commissariat, on apprend beaucoup sur le travail des policiers, notamment comment cuisiner un suspect avec énergie et détermination, mais sans laisser de traces.

            Julien Guiomar, ancien camarade de Noiret au TNP, joue le rôle du commissaire. Egalement plein de truculence, se plaignant constamment d’être enrhumé, il ne passe pas inaperçu. Claude Brosset à la tête de l’antigang rappelle beaucoup le célèbre commissaire Broussard avec sa pipe, son col roulé, son blouson de cuir et ses méthodes de cow-boy.

            Dans ce film, l’argent est une préoccupation constante du personnage joué par Philippe Noiret. Cependant, à chaque fois il tient à rester raisonnable et à ne pas empocher des sommes inconsidérées. Il préfère gagner peu, mais souvent, et fait attention à ne pas réclamer trop, de façon à ce que ses petites combines continuent de passer inaperçues de sa hiérarchie.

            Excédé par le zèle de son jeune coéquipier, Noiret cherche à lui ouvrir les yeux, ce qui donne lieu à l’une des scènes clés du film ; alors qu’ils patrouillent en voiture, Noiret indique à Lhermitte toutes les infractions qu’il aperçoit ici et là, la plupart de ces infractions étant mineures et commises de bonne foi : du piéton qui traverse en dehors des clous, au commerçant dont la terrasse n’est pas en règle.

            Les Ripoux donnent une leçon d’humilité. Les lois étant faites pour être respectées, non à la lettre, mais dans l’esprit, il faut faire preuve de souplesse et de tolérance dans leur interprétation ; car nul ne peut se proclamer irréprochable et jurer qu’il ne sera jamais en infraction. Somme toute, ce film peut être pris comme un appel à l’indulgence.

 

Les Ripoux, de Claude Zidi, 1984, avec Philippe Noiret, Thierry Lhermitte, Grace de Capitani, Régine, Julien Guiomar et Claude Brosset, DVD EuropaCorp.

27/03/2017

La Nuit des généraux, de Litvak

Thriller insolite

La Nuit des généraux

En pleine Seconde Guerre mondiale, un officier de l’armée allemande enquête sur l’un de ses supérieurs soupçonné d’être un tueur en série. Peter O’Toole dans le rôle du meurtrier semble sorti d’un roman de Dostoïevski. Sous forme de film policier, La Nuit des généraux est un réquisitoire subtil contre la guerre et ses sacrifices inutiles.

             A Varsovie, en 1942, le corps d’une prostituée est retrouvé lardé de coups de couteau, dans un appartement de la ville. Le commandant Grau, de la Wehrmacht, est chargé de l’enquête. L’un des habitants de l’immeuble ose à peine lui révéler ce dont il a été le témoin : il a aperçu un officier allemand prendre la fuite en dévalant l’escalier ; il n’a vu que son pantalon, lequel comportait une large bande rouge sur le côté. Autrement dit, il s’agissait d’un général de l’armée allemande. Le commandant Grau, plutôt que de réfuter le témoignage, le prend très au sérieux et se passionne pour l’affaire. Il veut démasquer le général meurtrier.

             Une dla nuit des généraux,litvak,peter o’toole,omar sharif,philippe noiret,tom courtenay,donald pleasancee ses connaissances fait observer au commandant Grau qu’il n’y a pas lieu de s’offusquer de l’existence d’un général meurtrier, attendu que le meurtre est l’occupation de tous les généraux. Grau balaie cette objection d’un revers de la main et répond : « Ce qui est admirable sur une grande échelle est monstrueux sur une petite échelle. Comme il faut que les meurtriers de masse soient décorés, essayons d’appliquer la justice aux petits entrepreneurs. »

             Alors qu’une guerre mondiale se déroule sous les yeux du spectateur, alors que chaque jour des dizaines de milliers d’hommes meurent sur l’ensemble des théâtres d’opération, Grau, lui, poursuit son idée fixe et ne s’intéresse à rien d’autre qu’à son enquête. Peu lui importe le sort du monde, de l’Europe et de l’Allemagne ; il n’aura l’esprit tranquille que quand il aura arrêté son général meurtrier de prostituées.

               La liste des suspects se limite bientôt à trois généraux aux profils bien différents :

  • Le général von Seydlitz-Gabler, un aristocrate au physique imposant, mari fidèle et bon père de famille, homme d’une grande prudence, surtout préoccupé de sortir vivant de la guerre ;
  • Le général Kahlenberg, un moine-soldat, court de taille, au physique ingrat et au tempérament austère, dont l’armée est la seule compagne ;
  • Le général Tanz, l’archétype du soldat aryen, un athlète blond aux yeux bleus, qui prend plaisir à faire la guerre et qui fait détruire au lance-flammes un quartier entier de Varsovie, rien que pour jouir de la beauté du spectacle offert à ses yeux.

Tanz tue de sang-froid

et se veut un artiste du crime

qui prépare chacune de ses compositions

             En réalité, Tanz, interprété par Peter O’Toole, se veut un artiste du crime. Comme un peintre compose ses tableaux, il prépare ses meurtres avec soin. Il sait à l’avance comment il agira pour ne pas être identifié et pour que les soupçons retombent sur un tiers. Tanz semble sorti d’un roman de Dostoïevski et fait penser à certains de ses personnages qui ne tuent pas sous le coup de l’émotion, dans un accès de colère, mais qui tuent de sang-froid et de manière raisonnée. En cela, c’est un possédé.

            Kessel est le co-auteur du scénario de ce film d’Anatole Litvak. Plus de trente ans auparavant, en 1935, Litvak avait adapté L’Equipage, l’un des best-sellers de Kessel. L’année suivante, leur collaboration avait donné Mayerling, qui fut l’un des plus grands succès commerciaux du cinéma français d’entre-les-deux-guerres. En 1966, ils se retrouvèrent pour La Nuit des généraux.

            L’intrigue est narrée sous forme de retours en arrière. Le film s’attarde sur l’Allemagne de l’après-guerre, un pays prospère qui jouit du miracle économique, alors que vingt ans plus tôt il ressemblait à un champ de ruines. D’anciens généraux de la Wehrmacht sont devenus de paisibles retraités ou d’honorables hommes d’affaires ; ils se montrent soucieux de leur respectabilité dans une RFA qui est devenue pacifique et qui ne semble pas s’encombrer d’un quelconque sentiment de culpabilité.

            Les décors du film sont signés d’Alexandre Trauner, lequel fut le plus grand décorateur de l’histoire du cinéma. A l’écran, le contraste est saisissant entre les villes allemandes, reconstruites après la guerre, et le Varsovie de l’Occupation, dont un quartier est détruit au lance-flammes par la Wehrmacht.

           Sous l’apparence d’un film policier, La Nuit des généraux est un réquisitoire subtil contre la guerre avec ses morts et ses sacrifices inutiles, et même son héroïsme inutile. Film plus profond qu’il n’y paraît au premier abord, La Nuit des généraux est un thriller insolite, passionnant de bout en bout.

 

La Nuit des généraux, d’Anatole Litvak, 1966, avec Peter O’Toole, Omar Sharif, Philippe Noiret, Tom Courtenay et Donald Pleasance, DVD Sony Pictures.

03/11/2014

Le Juge et l'assassin, de Tavernier

Noiret fait passer Galabru aux aveux

Le Juge et l’assassin

Le film de Tavernier se passe en pleine affaire Dreyfus. Dans une petite ville de province, le juge Rousseau, brillamment interprété par Philippe Noiret, enquête sur une série de crimes horribles. Il croit tenir l’assassin en la personne de Bouvier, un chemineau joué par Michel Galabru. Le juge va utiliser des méthodes très personnelles pour atteindre la vérité.

            Sorti en 1976, Le Juge et l’assassin est le troisième film réalisé par Bertrand Tavernier. Tavernier a coutume de dire que dans ses films il montre des gens dans leur travail au quotidien, qu’ils soient policiers, professeurs ou ministres. Dans Le Juge et l’assassin, le spectateur suit un juge dans l’instruction d’une affaire criminelle.

     le juge et l'assassin,tavernier,philippe noiret,galabru,jean-claude brialy,caussimon       L’action démarre en 1895, dans le contexte de l’affaire Dreyfus et des tensions croissantes entre cléricaux et anticléricaux. Le juge Rousseau est en poste dans une petite ville de province du sud de la France. Confronté à une série de meurtres dont des jeunes filles et des enfants sont les victimes, il progresse très vite dans son travail d’enquête. Il suspecte un dénommé Bouvier, un chemineau qui s’est toujours trouvé à proximité du lieu du crime au moment où il était commis.

            Même si les apparences sont contre Bouvier et même si de lourdes présomptions pèsent sur lui, cela ne suffit pas au juge Rousseau. Il veut des éléments matériels et des aveux circonstanciés, afin que son travail soit complet et ne souffre nulle contestation. A priori le juge est une âme pure qui se met au service de la vérité, sauf qu’il va utiliser des méthodes très personnelles. Il se met à l’écoute de Bouvier, passe beaucoup de temps avec lui et se montre très compréhensif à son égard. Il lui promet que, s’il collabore, il sera déclaré fou et échappera à l’échafaud. En réalité, il ne s’agit là que d’une manœuvre destinée à obtenir des aveux. Car, au même moment, Rousseau déclare à d’autres qu’il est persuadé que Bouvier est sain d’esprit. Très moderne dans ses méthodes, il n’hésite pas à médiatiser l’affaire et à utiliser la presse. Le juge n’est pas regardant sur la nature des moyens quand il s’agit d’atteindre la vérité.

            Le juge Rousseau est brillamment interprété par Philippe Noiret, l’assassin par Michel Galabru. Quant à Jean-Claude Brialy, il incarne un ancien magistrat, M. de Villedieu, qui donne au juge sa vision de l’affaire : qu’importe que Bouvier soit coupable ou innocent, puisqu’il appartient au vagabondage, c'est-à-dire au désordre et à l’anarchie. Villedieu fait sien le propos d’Octave Mirbeau qui a dit : « Nous sommes tous des meurtriers en puissance et ce besoin de meurtre, nous le concilions par des moyens légaux : l’industrie, le commerce colonial, la guerre, l’antisémitisme. »

            A la fin du film, le spectateur découvrira qu’il arrive au juge d’avoir un comportement guère éloigné de celui de l’assassin.

            La reconstitution de la France de 1895 est réussie. Le décor nous fait plonger en pleine affaire Dreyfus ; ainsi, au début et à la fin du film, la caméra nous montre, accolé à un mur, un placard publicitaire qui proclame : « Lisez La Croix, le journal le plus antisémite de France. » Des chants patriotiques sont entonnés dans des salons bourgeois, tandis que la rue fait entendre des chansons ouvrières. Jean-Roger Caussimon interprète une ballade spécialement écrite sur l’affaire Bouvier.

            Malgré le côté scabreux des crimes, le Juge et l’assassin est un film agréable à regarder. Le film est long : un peu plus de deux heures, comme souvent chez Tavernier.

 

Le Juge et l’assassin, de Bertrand Tavernier, 1976, avec Philippe Noiret, Michel Galabru, Jean-Claude Brialy et Isabelle Hupert, DVD StudioCanal.