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25/09/2013

Une ténébreuse affaire, de Balzac

Révélations sur un scandale d’Etat

Une ténébreuse affaire

 

Dans Une ténébreuse affaire, Balzac s’inspire d’une histoire vraie : l’enlèvement mystérieux d’un sénateur, sous le Consulat. Au terme d’un récit riche en rebondissements, Balzac fait la lumière sur cette affaire et met en cause de hautes personnalités.

Un jour de 1800, vers 3 heures de l’après-midi, alors qu’une partie de sa famille est absente, le sénateur Clément de Ris se trouve seul dans son château de Beauvais près de Tours, quand six hommes armés font irruption, s’emparent de ses valeurs et l’obligent à les suivre. L’affaire secoue l’opinion. Qui sont les ravisseurs ? Quelles sont leurs intentions ? Fouché, ministre de la Police, dirige l’enquête. Au bout de vingt jours, des policiers retrouvent Clément de Ris dans la forêt et mettent en fuite ses ravisseurs. Le sénateur est vivant et en bonne santé. L’affaire finit bien, sauf que la victime ayant eu les yeux bandés, elle ne peut guère aider à capturer ses ravisseurs. Des hommes sont arrêtés et condamnés, mais sans que leur responsabilité et leur mobile soient clairement établis.

        balzac,une ténébreuse affaire,la comédie humaine,rené guise,fouché    Jamais la lumière ne fut faite, jusqu’à la publication du roman de Balzac. Lorsqu’en 1843 il écrit Une ténébreuse affaire, Balzac dit clairement s’inspirer de ce fait divers. L’action est transposée dans le département de l’Aube et Clément de Ris est rebaptisé du nom de Malin. Nous allons vivre son enlèvement, sa libération et le procès de ses ravisseurs supposés. A la toute fin du roman, Balzac nous livrera la clé de l’énigme et nous le verrons mettre en cause de hautes personnalités de l’époque.

Un roman riche en rebondissements

            Il est souvent considéré qu’Une ténébreuse affaire est l’un des premiers romans policiers jamais publiés. Pour ma part, je dirais que ce livre est fait de deux livres successifs ; le premier ressemble à un thriller et le second fait penser à ces films à procès qui se déroulent dans une salle d’audience. Cette seconde partie est haletante ; nous y voyons les accusés lutter pour sauver leur tête. L’ensemble est riche en rebondissements, mais au-delà, Balzac nous invite à la réflexion. Sur le fonctionnement de la Justice, il est sans illusion et nous met en garde si nous croyons que l’accusé a autant de moyens à sa disposition que ses juges. Balzac donne la parole à l’un des avocats, Bordin : « Depuis que les sociétés ont inventé la justice, elles n’ont jamais trouvé le moyen de donner à l’innocence accusée un pouvoir égal à celui dont le magistrat dispose contre le crime. La justice n’est pas bilatérale. La Défense qui n’a ni espions (espions=policiers, NDLA], ni police, ne dispose pas en faveur de ses clients de la puissance sociale. L’innocence n’a que le raisonnement pour elle […] ».

            Comme le fait remarquer René Guise en introduction de l’édition Folio de 1973, l’action commence dès les premières pages d’Une ténébreuse affaire, ce qui est rare chez Balzac. La scène d’ouverture, dans la forêt d’Arcis, est forte et eût pu être imaginée pour le cinéma. Bien sûr, nous trouverons en cours de route de longues descriptions, telles que les affectionnait Balzac, des descriptions qui, selon René Guise, agaçaient déjà les lecteurs de l’époque. Mais en même temps, elles rendent l’ensemble vivant et font des personnages des êtres de chair et de sang. Pour cette édition Folio, René Guise a eu l’heureuse idée de rétablir la division en chapitres voulue par Balzac, ce qui rend la lecture plus aisée, d’autant plus que les chapitres se terminent souvent par un cliffhanger. Et puis, dans ses notes, pas trop nombreuses afin de ne pas ralentir la lecture, René Guise n’hésite pas à donner une version plus claire de quelques phrases mal tournées par Balzac.

            Quand on a refermé le livre, on ne peut que regretter que Balzac soit mort avant d’avoir achevé Le Député d’Arcis,qui devait prolonger Une ténébreuse affaire.

 

Une ténébreuse affaire, de Balzac (1841), édition de René Guise (1973), dans la collection Folio.