09/12/2013
Lettres, notes et portraits / 1928-1974, de Georges Pompidou
Pour lever le mystère Pompidou
Lettres, notes et portraits / 1928-1974, de Georges Pompidou
Ce recueil contient des écrits inédits rédigés par Georges Pompidou, de sa jeunesse à sa mort. Il permet de mieux cerner la personnalité d’un président méconnu. On découvre un Pompidou humaniste, lucide et visionnaire, qui peut malgré tout se montrer dur dans certains de ses jugements.
Ce livre contribue à lever le voile sur Georges Pompidou, qui reste peut-être le président le plus mystérieux de la Vème République, tant les contradictions semblent nombreuses dans sa personnalité et son parcours : socialiste dans sa jeunesse, il passa pour être un président conservateur ; féru d’art moderne et convaincu de l’importance de la contestation dans l’art, il n’en resta pas un moins un homme d’ordre ; voulant moderniser la France et la couvrir d’autoroutes, il accorda beaucoup d’importance à l’environnement et à la protection des paysages ; salarié d’une banque privée, il se considéra comme serviteur de l’Etat ; ami de membres de la jet-set, il fut imprégné de la grandeur de la fonction de président… La liste des contradictions apparentes serait longue à dresser et ce livre permet de mieux les comprendre.
Une bonne part de l’ouvrage est constituée de la correspondance de Pompidou avec Robert Pujol, son ami de jeunesse et frère spirituel, professeur comme lui, avec qui il a échangé pendant plus de quarante ans. Sans tabou, Pompidou évoque avec lui de très nombreux sujets et livre, avec franchise, le fond de sa pensée. Ainsi, en 1934, il écrit à Pujol que la perspective du professorat l’ennuie profondément, mais reconnaît un avantage certain à son futur métier : la longueur des vacances. En 1967, alors qu’il est premier ministre, Pompidou écrit sans ambages : « En réalité, la politique serait idéale si on avait trois mois de vacances […] ». Ancien professeur, il suit de près les dossiers d’éducation et, en 1961, il écrit à Pujol qui se plaint de sa situation dans l’enseignement : « […] Je me suis parfois senti tenté de prendre le ministère de l’Education nationale pour tout foutre en l’air. Et puis je me suis dit que c’était une tâche surhumaine. »
Pompidou sauve la tête de Jouhaud,
mais refuse de gracier Buffet et Bontemps
Pompidou a aussi échangé une correspondance assez étonnante avec François Mauriac, auquel il confie ses états d’âme. A la mort de l’homme de lettres, il écrit à sa veuve que son mari fut un peu son confesseur. C’est un Georges Pompidou très humain qui apparaît au fil des pages du recueil. Tout frais premier ministre, en 1962, il met sa démission dans la balance pour sauver la tête du général Jouhaud, l’un des auteurs du putsch d’Alger, condamné à mort et que de Gaulle tient absolument à faire exécuter. De Gaulle finira par céder et acceptera de gracier Jouhaud. Autre preuve d’humanité, au lendemain de la guerre d’Algérie, Pompidou écrit au père Régamey, l’un des porte-parole du mouvement des objecteurs de conscience, et lui annonce la mise en place d’un service civil. Mais attention, Pompidou l’humain n’est pas un faible. S’il a tenu tête à de Gaulle pour sauver Jouhaud, il reste néanmoins favorable à la peine mort. En 1972, dans une longue note argumentée destinée à ses archives, il se justifie d’avoir refusé la grâce pour Buffet et Bontemps, et épingle au passage maître Badinter, avocat de Bontemps. Selon la procédure alors en vigueur, Pompidou reçoit les avocats des condamnés : « Ce qui me frappe, c’est que tous bien sûr sont contre la peine de mort (encore que Badinter, pour défendre Bontemps, me paraisse prêt à expédier Buffet sans remords). ». Sur le fond du dossier, Pompidou justifie son refus de grâce au nom de la précaution, sachant que, lors de leur tentative d’évasion de la centrale de Clairvaux, Bontemps et Buffet ont égorgé deux personnes. Pompidou écrit : « Si on met Buffet, dément, dans un asile, combien de médecins, d’infirmiers ou d’infirmières, mettra-t-il à son tableau de chasse, ne pensant bien sûr qu’à s’évader ? Il a été prouvé que la prison n’était pas une précaution. »
Le Pompidou le plus inattendu est celui qui veut moderniser la France sans la défigurer. Il écrit son désespoir après avoir découvert, en passant en voiture, la construction de la tour de la faculté de Jussieu. Contre son premier ministre et son administration, il défend la sauvegarde des alignements d’arbres le long des routes dans une lettre à Jacques Chaban-Delmas : « Il ressort que l’abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité. […] Quelle que soit l’importance des problèmes de circulation et de sécurité routière, cela ne doit pas conduire à défigurer notre pays. […] Le maintien de nos routes plantées d’arbres est essentiel pour la beauté de la France, la protection de la nature, pour la sauvegarde d’un environnement humain. […] Le sauvetage du paysage français doit être une de nos préoccupations. »
Même le Pompidou féru d’art contemporain n’est pas celui qu’on croit quand il écrit que, de toutes les œuvres qu’il a achetées, c’est quatre aquarelles de Rodin qui le touchent le plus. Mais il ajoute aussitôt qu’il veut être de son temps en suivant la recherche et l’aventure en matière d’art.
Un portrait cruel de Jacques Chaban-Delmas
Il y a aussi le Pompidou qui, fort de son expérience, livre ses réflexions sur le fonctionnement de l’Etat. Au lendemain de son départ de Matignon, il se livre à une analyse du rôle du premier ministre et admet la difficulté de la charge : « Son rôle n’est pas […] facile. D’abord, pour être à l’aise et en repos avec sa conscience, il faut jamais n’être en désaccord avec les décisions importantes du chef de l’Etat. Le premier ministre doit, si j’ose dire, être sur la même longueur d’onde que le président de la République. ». Dans ces réflexions émises en 1968, on peut voir les prémisses de la confrontation qu’il aura avec son premier ministre Jacques Chaban-Delmas, dont il dresse un portrait cruel : « Il travaille peu, ne lit pas de papiers, en écrit encore moins encore, préférant discuter avec ses collaborateurs et s’en remet essentiellement à eux qu’il choisit bien, pour ce qui est des affaires publiques s’entend. » De Mitterrand Pompidou écrit à plusieurs reprises qu’il n’est pas socialiste : « Comment peindre quelqu’un que je ne connais pas ? Je ne puis formuler que des impressions liées à son comportement physique et politique. […] Il suffit de le voir pour se rendre compte qu’il n’est pas socialiste. » Quelques fois Pompidou varie : dans un premier temps, il défend le septennat, pour ensuite, avec des arguments inversés, défendre le quinquennat, peut-être sous l’effet de la maladie.
Pompidou le banquier n’est pas un homme d’argent. Il dépense tout ce qu’il gagne et ne court pas après les indemnités. Quand, en 1959, de Gaulle le nomme au Conseil constitutionnel, il lui répond favorablement mais lui demande à ne pas être rémunéré dans l’exercice de cette fonction publique, alors qu’il continue d’exercer son activité professionnelle au service des Rothschild : « Je souhaite pour ma part pouvoir renoncer à ce traitement [de membre du Conseil] dans sa totalité. Le cumul même partiel avec mes émoluments privés m’apparaîtrait excessif et serait critiqué. Je pense, mon Général, que vous partagerez ce point de vue et que si vous donnez suite à votre projet de me nommer, vous voudrez bien m’autoriser à exercer ces fonctions à titre purement bénévole. »
Le livre présente un écrit atypique : une auto-interview de Pompidou intitulée Entretien imaginaire. Pompidou y livre ses goûts, notamment en matière de littérature. Sur une île déserte, il emporterait tout Balzac, mais pas Zola (« Il écrit vraiment trop mal »). Par ailleurs, dans une lettre à Mauriac qui avait évoqué Les Possédés de Dostoïevski dans son Bloc-notes, Pompidou écrit qu’il considère « ce livre comme peut-être le chef d’œuvre de la littérature romanesque ». Plus jeune, en 1931, Pompidou évoque son goût prononcé pour Baudelaire « Et plus je réfléchis, plus je me sens près de Baudelaire. […] Je m’aperçois qu’il avait les mêmes goûts que moi. »
Le recueil est complété d’un témoignage d’Alain Pompidou. Enfant adopté, il rend hommage à ses parents, qui lui ont « prodigué une affection débordante », si bien qu’il n’a jamais cherché à connaître ses origines.
Il est dommage que les lettres publiées ne soient pas précédées de quelques lignes explicatives qui les remettent dans leur contexte. Néanmoins, le livre est passionnant et permet de se rendre compte de la richesse de la personnalité de Pompidou. Son souvenir ne saurait se limiter à l’affaire Markovic et à la maladie qui l’emporta en 1974.
Lettres, notes et portraits / 1928-1974 de Georges Pompidou (2012), aux éditions Robert Laffont.
07:01 Publié dans Carnets, correspondance, Essai, document, Essai, document, biographie, mémoires..., Histoire, Livre | Tags : pompidou, lettres notes et protraits | Lien permanent | Commentaires (0)
11/11/2013
La Fin de la mondialisation, de François Lenglet
Contre le mythe de la mondialisation heureuse
La Fin de la mondialisation
Loin d’être consensuel, le dernier livre de François Lenglet dénonce la mondialisation. Dans un langage clair et avec humour, le journaliste nous explique que nous sommes allés trop loin dans le libre-échange, sans en obtenir les résultats escomptés. Mais, selon lui, la mondialisation entre dans une phase d’éclipse et ce n’est pas une mauvaise chose.
François Lenglet est éditorialiste sur France 2. Au journal de 20 heures, il délivre ses leçons d’économie devant des millions de téléspectateurs. A ce titre, sa responsabilité est énorme. On eût pu attendre de sa part un livre lisse, sans aspérité, qui épouse le discours dominant présentant la mondialisation comme souhaitable et même inéluctable. Or, il n’en est rien. Comme le titre de son livre l’indique, François Lenglet nous annonce la fin de la mondialisation ou, tout au moins, son éclipse ; et, selon lui, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.
Exemples à l’appui, Lenglet nous montre que l’histoire économique est cyclique : les périodes d’ouverture des frontières sont suivies de période de fermeture. Une première fois, en 1913, le commerce mondial atteignit son apogée, puis il s’effondra avec la première guerre mondiale. Les années 20 furent une tentative de rétablissement de l’ordre libéral d’avant 1914, mais cela n’empêcha pas la crise de 29 et les politiques protectionnistes des années 30. Bref, des rééquilibrages se produisent à intervalles réguliers.
S’agissant de notre époque, Lenglet se fait très critique quand il écrit : « Le libre-échange tel que nous le pratiquons depuis un quart de siècle a des coûts sociaux très élevés. ». Il parle même de machine à inégalités. Les emplois industriels ont été délocalisés, tandis qu’ont été créés des emplois dans les services, des emplois non délocalisables mais peu qualifiés et surtout sous-payés. Lenglet estime que ce sont les peuples qui ont payé le prix de la mondialisation et il ne mâche pas ses mots : « La mondialisation […] demande aux peuples de s’adapter et de ne pas se mettre aux travers des autoroutes qu’elle a construites. Circulez, et laissez passer les convois internationaux ! Dans ce système, c’est sur la société que se sont reportés tous les efforts d’ajustement : mobilité, flexibilité, baisse des salaires. La mondialisation consacre la domination des mobiles sur les immobiles, des forts sur les faibles […]. » Selon lui, seule une élite planétaire profite du système. Ont vu leur salaire grimper ceux qui apportent une forte valeur ajoutée et qui peuvent se jouer des frontières, du fait de leur haut niveau de compétence. Lenglet cite le cas de Pavarotti qui aura vendu cent millions de disques à travers le monde, tandis que Caruso, son illustre prédécesseur, n’en aura vendu qu’un million un siècle plus tôt.
La grosse arnaque des Chinois
Selon François Lenglet, les pays développés ont ouvert trop rapidement leurs portes à la Chine, sans se rendre compte qu’ils se rendaient victimes d’une gigantesque arnaque : la Chine a fait mine d’accepter les règles internationales, pour mieux les contourner ensuite, notamment en manipulant sa monnaie. La théorie de la mondialisation heureuse voulait que les pays émergeants se développent et que, pendant ce temps, les pays du Nord misent sur les créneaux à forte valeur ajoutée, mettant à profit leur avance technologique, comme dans l'électronique et les télécommunications. Mais rien ne s’est passé comme prévu : la Chine a rattrapé les Européens et les Américains bien plus vite que prévu dans nombre de secteurs, y compris l'automobile.
Lenglet n’est pas tendre non plus pour l’Europe de Jacques Delors. Selon lui, l’euro a été mis en place sur de mauvaises bases et, du fait de la monnaie unique, la France se prive de l’arme de la dévaluation qui lui serait bien utile par les temps qui courent. Il accuse Berlin de mener une politique mercantiliste très dangereuse à terme. D’un coté, l’Allemagne cherche à accumuler les excédents commerciaux, et, de l’autre, elle use du bâton à l’égard des pays européens qui additionnent les déficits, oubliant que ce sont leurs déficits qui font en partie ses excédents. Lenglet juge que la poursuite d’une telle politique conduit à de graves déséquilibres, d’où le risque d’éclatement de l’euro.
Faisant référence aux travaux de Maurice Allais, le très iconoclaste prix Nobel d’économie dont il semble se réclamer, Lenglet souligne que le libre-échange est praticable entre pays qui ont peu ou prou le même niveau de revenu et de développement. Lenglet appelle l’Europe à trouver un nouvel équilibre entre ouverture et protection, et il insiste sur la nécessité du protectionnisme financier. Les capitaux ne doivent plus circuler librement. La finance doit être renationalisée ou régionalisée, afin d’éviter que se créent de nouvelles bulles, telles la bulle immobilière ou la bulle Internet de la fin des années 90.
En tout cas, selon François Lenglet, le mouvement d’éclipse de la mondialisation s’est engagé sous nos yeux ; ainsi, et c’est un symbole, Apple a décidé de rapatrier une chaîne de production d’ordinateurs aux Etats-Unis, dans l’Etat du Texas. Les sociétés industrielles américaines prennent conscience que produire à l’étranger n’est pas forcément mieux et moins cher. Les usines américaines ont fait des efforts de productivité et, grâce aux gaz de schiste, le prix des énergies a baissé aux Etats-Unis. Les choses sont donc en train de changer ; et le pays qui pourrait payer le prix fort dans le nouvel équilibre qui se dessine, c’est la Chine, dont le modèle est entièrement bâti sur les exportations.
La Fin de la mondialisation, un livre de François Lenglet (2013), éditions Fayard.
09:20 Publié dans Economie, Essai, Essai, document, Essai, document, biographie, mémoires..., Livre | Tags : françois lenglet, la fin de la mondialisation | Lien permanent | Commentaires (0)
08/10/2013
Mon Guide pratique pour mieux nager
A lire avant d’aller à la piscine
Mon Guide pratique pour mieux nager
Mon Guide pratique pour mieux nager est indispensable aux adultes qui se remettent à la natation après des années d’interruption. Bourré de conseils, y compris médicaux, le livre comporte de nombreuses photos Elles permettent de repérer les bons mouvements à adopter, pour s’améliorer dans les principales nages.
Le monde médical insiste beaucoup sur l’importance d’un exercice physique régulier. La natation est souvent donnée en exemple, pour évacuer le stress, la grande maladie du XXIème siècle, et ainsi mieux affronter le vieillissement du corps et de l’esprit. De plus en plus d’adultes fréquentent les piscines et s’adonnent à la natation, quelques fois après des années d’interruption. Mais à 40, 50 ou 60 ans, il n’est pas forcément facile de reprendre une activité physique régulière et surtout de la rendre profitable. Le risque est grand de vouloir s’y remettre trop vite et avec maladresse, si bien que le remède se révèle pire que le mal. Le livre Mon Guide pratique pour mieux nager est destiné à tous, mais plus encore à ceux que l’on pourrait appeler les nageurs « recommençants ».Quatre nages sont présentées et décryptées : la brasse, en fait la brasse coulée, le dos crawlé, le crawl et, pour les plus performants, le papillon.
Ce qui fait la force de ce guide, c’est la présence de nombreuses photos, plusieurs par page, qui présentent chaque type de nage, mouvement par mouvement. Les bons mouvements sont montrés, mais aussi les mauvais. Le lecteur voit ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut surtout pas faire. Le tout est accompagné, page après page, de conseils d’un médecin et d’un kinésithérapeute. Autrement dit, on peut, tout en restant chez soi, repérer, à la lecture de ce guide, les bons mouvements et même, pourquoi pas, les répéter devant une glace.
Mieux nager est aussi accompagné de conseils généraux. Par exemple, il est fortement recommandé de bien s’échauffer et de résister à la tentation de vouloir nager trop vite dès le début de chaque séance. La tentation est grande de vouloir nager avec empressement dès l’entrée dans l’eau, surtout quand elle paraît froide, d'où une fatigue plus rapide. De la même manière, il est conseillé de finir chaque séance en douceur, afin de mieux récupérer ensuite.
Par ses multiples recommandations, ce guide fait rapidement progresser en natation. Et surtout, il permet de faire en sorte que la natation contribue à la détente physique et psychique.
Mon Guide pratique pour mieux nager, un livre de Yan Pioline (2011), éditions Amphora.
07:50 Publié dans Essai, document, Essai, document, biographie, mémoires..., Livre, Sport | Tags : mon guide pratique pour mieux nager, yan pioline | Lien permanent | Commentaires (0)