18/04/2016
Le Bon Plaisir, de Francis Girod
Le Président a un enfant caché
Le Bon Plaisir
Le président de la République use des services de l’Etat pour garder secrète l’existence d’un enfant né hors-mariage. Jean-Louis Trintignant est cassant et autoritaire dans le rôle du chef de l’Etat. Le spectateur de ce film sorti en 1984 ne pouvait se douter que, dix ans plus tard, la fiction serait rejointe par la réalité.
Le président de la République garde cachée l’existence d’un enfant adultérin. Ni son épouse légitime ni le pays ne sont au courant. Cependant, un intellectuel bien renseigné envisage de divulguer l’information auprès du grand public. Une telle révélation pourrait déstabiliser la présidence. Le sommet de l’Etat met alors en branle les services de renseignement, qui reçoivent mission, dans le plus grand secret, de neutraliser celui qui menace de ternir la réputation du chef de l’Etat.
Racontés ainsi, les faits semblent relatifs à la vie privée du président Mitterrand, l’enfant pouvant être Mazarine Pingeot, et l’intellectuel Jean Edern-Hallier. En réalité, les lignes qui précèdent résument un film de fiction intitulé Le Bon Plaisir. Francis Girod en est le réalisateur, et Françoise Giroud en a écrit le scénario, ne faisant qu’adapter au cinéma son propre roman, publié – cela ne s’invente pas – aux éditons Mazarine ! En voyant ce film de nos jours, il faut garder en mémoire qu’au moment de sa sortie, en 1984, les spectateurs ignoraient tout de l’existence de la fille de Mitterrand.
Dans la distribution, Catherine Deneuve interprète la mère de l’enfant et Michel Serrault le ministre de l’Intérieur, ami de trente ans du chef de l’Etat. C’est Jean-Louis Trintignant qui incarne le président de la République. Son travail de composition marque le spectateur. Il est autoritaire, cassant et fascinant. A l’époque, il avait déclaré s’être inspiré – on comprend mieux pourquoi aujourd’hui – de MM. Mitterrand et Chirac. On note au passage que le président fait des voyages privés au Japon et que son état de santé nécessite des injections régulières de cortisone.
Le Président confond son intérêt particulier
avec l’intérêt national
Dans ce film, ce qui reste plus que jamais d’actualité, c’est la fâcheuse tendance du président à confondre son intérêt particulier avec l’intérêt national. Il privatise la police en la mettant au service de sa propre personne, comme si la révélation de l’existence de son enfant mettait en péril la sûreté de l’Etat. Dans ce cadre-là, il envisage des écoutes téléphoniques et délègue tout pouvoir à son ami ministre de l’Intérieur, car il ne veut pas être mêlé à cette affaire, sa main droite ignorant ce que fait sa main gauche.
Le président ment effrontément et a toujours un calcul politique en tête. Ses réels talents d’acteur l’autorisent à nier les réalités les plus évidentes qui pourraient le gêner. Sa première qualité n’est pas la sincérité, mais l’indifférence.
Le président déteste son dauphin et n’a qu’une idée en tête, le faire trébucher. Il est une espèce d’autiste qui a perdu toute capacité d’écoute. Ses proches n’osent plus lui dire la vérité et ne sont pas francs avec lui, de peur d’attirer sur eux le présidentiel courroux. L’une des scènes les plus révélatrices du film montre le président, dans un mouvement de colère, s’autoriser à casser un vase appartenant au mobilier national. Mais comme il le fait lui-même observer, il fait ce qu’il veut puisqu’il est le président, d’où le titre du film.
Le spectateur de 1984 ne pouvait se douter que, dix ans plus tard, la réalité allait rejoindre la fiction. En 1994, pour couper l’herbe sous le pied au journaliste Philippe Alexandre qui s’apprêtait à en faire la révélation dans un livre à paraître, le président Mitterrand autorisa le magazine Paris-Match à publier des photos de Mazarine Pingeot, dévoilant ainsi au grand public l’existence de sa fille.
Aujourd’hui, ce n’est pas sans ironie que l’on peut lire, dans le générique de fin du Bon Plaisir, la mention reprise ici textuellement : « Tout est imaginaire dans cette histoire. Donc : toute ressemblance, etc, etc… »
Le Bon Plaisir, de Francis Girod, 1984, avec Catherine Deneuve, Michel Serrault, Jean-Louis Trintignant, Michel Auclair et Hippolyte Girardot, DVD Gaumont.
07:30 Publié dans Etude de moeurs, Film | Tags : le bon plaisir, francis girod, deneuve, serrault, trintignant, michel auclair, hippolyte girardot | Lien permanent | Commentaires (0)
01/12/2013
La Banquière, de Francis Girod
Romy reine de la finance des Années folles
La Banquière
C’est l’un des derniers rôles de Romy Schneider. Elle joue un personnage inspiré de Marthe Hanau, la banquière des Années folles. La reconstitution est soignée et la distribution prestigieuse. Le spectateur passe un agréable moment.
Il est des films que l’on a plaisir à voir et à revoir. La Banquière est de ceux-là. Francis Girod s’est directement inspiré de la vie de Marthe Hanau, « la banquière des Années folles », qui ruina des milliers de petits épargnants en mettant en place une pyramide dite de Ponzi. Comme Madoff bien des années plus tard, elle servait des taux d’intérêt très élevés à ses clients, en l’occurrence 8% ; mais, en réalité, elle les rémunérait avec l’argent des nouveaux souscripteurs.
La Banquière, sorti en 1980, est l'un des meilleurs films de Francis Girod. Sa réalisation oscille entre le roman-feuilleton et l’histoire illustrée. La reconstitution de la France de l’entre-deux-guerres est soignée, elle offre des décors somptueux de palaces et d’hôtels particuliers, dans lesquels la queue-de-pie ou le smoking sont de rigueur. Les chapitres de ce film roman-feuilleton, si l’on peut parler de chapitres, s’enchaînent avec harmonie et sont suffisamment courts pour que nous n’ayons pas le temps de nous ennuyer. Le scénario de Georges Conchon rappelle celui qu’il avait écrit deux ans plus tôt pour Le Sucre de Jacques Rouffio. Inspiré lui aussi d’une histoire vraie, ce film racontait la spéculation sur le sucre qui avait ruiné des petits épargnants. Les professionnels de la finance n’y étaient pas épargnés, ils ne le sont pas non plus dans La Banquière. On nous y martèle que les banques servent 1% d’intérêt, au mieux 1,5%, ce qui paraît peu.
La Banquière fait aussi penser à L’Affaire Stavisky d’Alain Resnais, sorti en 1974, qui racontait une affaire similaire, également dans une reconstitution somptueuse de la France de l’entre-deux-guerres, avec une distribution éclatante, Jean-Paul Belmondo en tête. C’est d’ailleurs ce qui fait la force du film de Francis Girod. On y revoit avec beaucoup de plaisir le défilé d’acteurs qu’il nous offre. Marthe Hanau, rebaptisée Emma Eckhert, est interprétée par Romy Schneider. On sent que l’actrice s’est reconnue dans ce personnage rebelle, atypique, aux amours libres, qui se heurte à son milieu et à la bonne société ; Emma Eckert est entourée d’hommes qu’elle mène par le bout du nez. On voit apparaître d’autres acteurs fameux, dont certains sont aujourd’hui disparus : Jean-Claude Brialy, Marie-France Pisier, Jean Carmet, Jacques Fabbri…
Dans cette ambiance Années folles, la musique d’Ennio Morricone enveloppe l’œuvre d’un charme discret. Une fois le film fini, le spectateur n’a pas forcément compris tous les ressorts de la finance, mais, malgré quelques scènes pénibles, il a passé un agréable moment et c’est là l’essentiel.
La Banquière de Francis Girod (1980), avec Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant, Jean-Claude Brialy, Marie-France Pisier, Jean Carmet, Claude Brasseur, Jacques Fabbri et Daniel Mesguich, DVD Studio Canal.
09:38 Publié dans Comédie dramatique, Economie, Etude de moeurs, Film, Histoire | Tags : la banquière, francis girod, romy schneider, trintignant, jean-claude brialy, marie-france pisier, jean carmet, claude brasseur, jacques fabbri, daniel mesguich, georges conchon, morricone | Lien permanent | Commentaires (1)