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09/10/2017

I... comme Icare, d'Henri Verneuil

Montand mène l’enquête

I… comme Icare

Henri Verneuil s’est inspiré de l’affaire Kennedy et l’a transposée dans un pays imaginaire. Yves Montand dans le rôle d’un procureur refait l’enquête sur l’assassinat du président et pointe les contradictions du rapport officiel. Ce film est avant tout un divertissement qui tient le spectateur en haleine.

            Yves Montand était un grand admirateur du président Kennedy. Un soir de 1963, alors qu’il séjournait en Amérique, il avait été invité à un dîner donné par le vice-président Johnson en présence du couple présidentiel. Il y avait participé en compagnie d’autres acteurs de cinéma, notamment Kirk Douglas et Gene Kelly. Quelques semaines plus tard, Kennedy était assassiné à Dallas.

    i… comme icare,verneuil,montand,jacques seyrès,roger planchon,jacques denis,jean-françois garreaud,jean négroni,morricone        Quand, à la fin des années soixante-dix, Verneuil lui proposa le scénario d’I… comme Icare, Montand y vit le moyen de rendre hommage à Kennedy. Bien que l’histoire soit transposée dans un pays imaginaire, le spectateur a tôt fait de comprendre que le film s’inspire directement de l’assassinat du président américain.

            Dans un pays dont le nom n’est pas mentionné, le président sortant, Marc Jarry, vient d’être réélu pour un mandat de six ans. Le jour de sa prestation de serment, il est à bord d’une limousine décapotable qui le conduit au parlement où doit se dérouler la cérémonie d’investiture. Le cortège officiel ralentit au milieu de la foule qui s’est massée autour du véhicule pour acclamer le président. Sous l’œil des caméras de télévision, Marc Jarry se lève pour serrer des mains. Soudain, des coups de feu éclatent : il s’effondre. Le convoi démarre en trombe, tandis que la foule court dans tous les sens. Le président meurt quelques heures plus tard à l’hôpital. Le tireur présumé est identifié ; mais il est tué à son tour, dans la journée, avant d’avoir parlé.

            La commission d’enquêté diligentée par le nouveau chef de l’Etat conclut que le tireur était un déséquilibré ayant agi seul. Un membre de ladite commission, le procureur Volney, joué par Yves Montand, se désolidarise de ses collègues et refuse d’apposer sa signature au rapport final. Il obtient de reprendre l’enquête à zéro. Ses investigations lui permettent de mettre au jour un véritable complot d’Etat ayant abouti à l’assassinat du président Jarry. A force de trop s’approcher de la vérité, le procureur finira par se brûler les ailes.

Il y a dans ce film tous les ingrédients

nécessaires à la satisfaction des tenants

des thèses « conspirationnistes »

            Henri Verneuil et son scénariste Didier Decoin ont repris des points précis du rapport Warren pour en montrer les lacunes, voire les contradictions. Ainsi, dans le film comme dans la réalité, le jour de l’attentat un spectateur habillé de sombre déploie un parapluie à l’approche du cortège présidentiel, alors qu’il fait plein soleil ; après les coups de feu, des témoins dirigent leurs regards vers un point autre que celui où est posté le tueur présumé ; plusieurs d’entre eux meurent accidentellement dans les mois qui suivent ; des tireurs d’élite ne parviennent pas à reproduire ce qu’est supposé avoir réussi l’assassin présumé, pourtant réputé tireur médiocre…

            Si Verneuil et Decoin se sont beaucoup inspirés de l’assassinat de Kennedy, ils ont aussi emprunté certains éléments à l’affaire Aldo Moro, qui avait fait la une de l’actualité en 1978. Ainsi la scène d’ouverture et la personnalité de Marc Jarry renvoient au président du Conseil italien, enlevé le jour même de sa prestation de serment, alors qu’il était en route pour le parlement.

            Verneuil et Decoin n’hésitent pas à pointer du doigt les services secrets, lesquels seraient devenus un Etat dans l’Etat. A vrai dire, cette dénonciation fut courante dans le cinéma des années soixante-dix, suite au scandale du Watergate. A mots couverts, Verneuil et Decoin font comprendre que ce sont les services secrets américains qui, au Chili, furent à l’origine de la grève des camionneurs, laquelle aboutit à la chute du président Allende. Il y a ici tous les ingrédients nécessaires à la satisfaction des tenants des thèses « conspirationnistes ».

Une séquence du film fit beaucoup parler d’elle :

la reproduction de l’expérience dite de Milgram

            A sa sortie, une séquence du film fit beaucoup parler d’elle : il s’agit de la reproduction de l’expérience dite de Milgram, menée par des scientifiques aux Etats-Unis, dans le but de savoir jusqu’à quel degré peut aller la soumission à une autorité supérieure. Cette séquence, qui dure un quart d’heure, constitue presqu’un film dans le film et contribua à sa popularité. L’expérience est menée en laboratoire avec deux volontaires, l’un qui est assis à un pupitre de commande, tandis que l’autre est attaché à un fauteuil ; le premier pose des questions au second, et, à chaque mauvaise réponse de sa part, il lui envoie une décharge électrique d’une intensité croissante, le tout se déroulant sous le contrôle d’un scientifique. Jusqu’à quel point l’homme au pupitre acceptera-t-il de faire souffrir son prochain, avant de se rebeller contre l’autorité ?

            Il est facile de trouver des défauts à ce film : les invraisemblances sont nombreuses et Verneuil ne s’est pas gêné pour reprendre des ficelles qu’il avait déjà utilisées dans ses précédents films, notamment Peur sur la ville. On pourrait ajouter que I… comme Icare n’atteint probablement pas le niveau des Trois Jours du Condor, de Sidney Pollack, qui reste le modèle du genre, et qui fut tourné après le scandale du Watergate. Le film de Verneuil n’a pas non plus la profondeur de Cadavres exquis, de Francesco Rosi, dans lequel Lino Ventura enquêtait sur des crimes politiques commis dans l’Italie des « années de plomb ».

            Malgré toutes ces réserves, I… comme Icare tient le spectateur en haleine. Grâce à son habituel savoir-faire, Verneuil sut, à l’époque, toucher un large public en réalisant un film qui est avant tout un divertissement, et non un film engagé à la Costa-Gavras.

            On sent bien que Montand prit à cœur son rôle de procureur justicier qui fait avancer la vérité. Il n’hésita pas à porter une perruque blanche et des lunettes rondes, qui le vieillissaient quelque peu.

            La partition d’Ennio Morricone s’insère parfaitement dans l’intrigue, notamment dans une scène clé au cours de laquelle les ténèbres se dissipent. C’est le contre-exemple même de musique plaquée artificiellement à un film.

            Les extérieurs furent tournés dans la Ville Nouvelle de Cergy et dans le quartier de La Défense, dont l’urbanisme, à la fin des années soixante-dix, paraissait futuriste. Les tours et les immeubles anonymes qu’on aperçoit dans le décor permettent au spectateur d’imaginer que l’action se situe en Amérique, en Europe ou ailleurs.

            Avec le recul des années, les images de l’attentat demeurent saisissantes. Quand on voit le président Jarry, debout dans sa décapotable, serrant des mains avant de s’effondrer tout à coup, on pense moins, de nos jours, à l’assassinat de Kennedy qu’à l’attentat contre Jean-Paul II, lequel eut lieu en mai 1981, soit dix-huit mois après la sortie du film.

 

I… comme Icare, d’Henri Verneuil, 1979, avec Yves Montand, Jacques Seyrès, Roger Planchon, Jacques Denis, Jean-François Garreaud et Jean Négroni, DVD JPO Films.

01/02/2016

Peur sur la ville, d'Henri Verneuil

Western urbain

Peur sur la ville

Peur sur la ville fut un succès en salles qui permit à Belmondo de retrouver les faveurs du public. Dans ce film policier aux allures de western urbain, Belmondo poursuit Minos, tueur psychopathe qui porte un œil de verre. L’acteur n’a pas de doublure dans les scènes de cascade, on le voit notamment déambuler sur le toit d’une rame de métro.

            En 1975, Belmondo cherchait à effacer le semi-échec qu’avait représenté pour lui L’Affaire Stavisky, de Resnais. Certes le film avait dépassé le million d’entrées en salles, mais c’était un score relativement faible par rapport à ses précédents films. A cela s’ajoutait le fait que L’Affaire Stavisky avait été mal accueilli au festival de Cannes, où des sifflets avaient accompagné la projection. L’association entre Belmondo, grand acteur populaire, et Resnais, cinéaste réputé intellectuel, n’avait pas été concluante.

     Peur sur la ville, Verneuil, Belmondo, Charles Denner, Lea Massari, morricone       Décidé à retrouver les faveurs du public, Belmondo fit appel à Henri Verneuil. Les deux hommes se connaissaient bien, le réalisateur ayant dirigé l’acteur à plusieurs reprises, notamment dans Un singe en hiver. La réputation de Verneuil n’était plus à faire, il était considéré comme un grand professionnel, et ses films étaient en général de grands succès en salles. Imprégné de cinéma américain, il avait même tourné à Hollywood. Peut-être pouvait-on lui reprocher de manquer d’originalité et de faire du cinéma « commercial », mais au moins, lui, avait-il assimilé les règles des maîtres de la série B et en avait gardé le sens du rythme et de l’action.

            Dans Peur sur la ville, Belmondo incarne, pour la première fois, un policier aux méthodes musclées. Cette espèce de cow-boy des villes revêt des blousons de cuir dans les scènes d’action. En cela il fait penser à l’authentique commissaire Broussard… et à l’imaginaire inspecteur Harry, créé à l’écran par Clint Eastwood. Mais il ne faudrait pas croire pour autant que Peur sur la ville est une simple transposition de L’Inspecteur Harry (Dirty Harry). Verneuil a su créer un « produit » original. Le scénario, écrit en collaboration avec Francis Veber, est très bien ficelé. Deux intrigues sont déroulées en parallèle sans que cela ne nuise à l’unité du film et à sa clarté. D’une part Belmondo est sur la piste du gangster Marchiani, ennemi public n°1 ; et d’autre part il traque un tueur psychopathe, Minos, qui étrangle des femmes qui, à ses yeux, manquent de vertu et ont une conduite que la morale réprouve. Minos a la particularité de porter un œil de verre, ce qui ne manque pas d’impressionner visuellement le spectateur, d’autant plus que cet œil tombe et casse lors d’une poursuite.

La volonté de Belmondo d’exécuter lui-même ses cascades

compliquait le travail du réalisateur

            Evidemment, le plus apporté par Belmondo, ce sont les cascades qu’il entreprend lui-même, sans doublure. On le voit pendu à un hélicoptère par l’intermédiaire d’un treuil ; il se livre à une course-poursuite sur les toits de Paris ; et la séquence la plus mémorable se déroule au-dessus d’une rame de métro. L’image qui reste dans les mémoires est celle du métro passant le pont de Bir-Hakeim, avec Belmondo, debout, marchant sur le toit d’une voiture. Ce morceau de bravoure donna lieu à plusieurs prises. Sur celle gardée au montage, la rame roule à soixante kilomètres par heure. Verneuil aimait à rappeler que, contrairement à ce que l’on pouvait croire, le fait que Belmondo veuille exécuter lui-même ses cascades était source de complication. En effet, si une doublure est accrochée à un hélicoptère, il suffira de la filmer de loin et la scène sera assez simple à tourner. En revanche, si c’est Belmondo qui est lui-même pendu à l’hélicoptère, il faudra approcher la caméra de son visage pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’une doublure.

            Verneuil donne à son film un caractère de western urbain. Il aime à filmer le Paris des années soixante-dix avec ses constructions modernes, tels les tours du Front de Seine, le périphérique et le RER.

            Par ailleurs, la musique d’Ennio Morricone est oppressante et ajoute de la tension au film.

            A sa sortie, Peur sur la ville réunit plus de quatre millions de spectateurs et permit à Belmondo de retrouver les faveurs du public. Son attaché de presse René Château avait savamment conçu l’affiche du film en y faisant figurer la personne de l’acteur et en inscrivant en grosses lettre le nom de Belmondo, sans même mention du prénom. On peut dire que c’est à ce moment-là que s'affirma le personnage de Bébel, héros gouailleur et cascadeur, qui occupa la première place du box-office jusqu’au milieu des années quatre-vingts.

 

Peur sur la ville, d’Henri Verneuil, 1975, avec Jean-Paul Belmondo, Charles Denner et Lea Massari, DVD Gaumont.

01/12/2013

La Banquière, de Francis Girod

Romy reine de la finance des Années folles

La Banquière

 

C’est l’un des derniers rôles de Romy Schneider. Elle joue un personnage inspiré de Marthe Hanau, la banquière des Années folles. La reconstitution est soignée et la distribution prestigieuse. Le spectateur passe un agréable moment.

            Il est des films que l’on a plaisir à voir et à revoir. La Banquière est de ceux-là. Francis Girod s’est directement inspiré de la vie de Marthe Hanau, « la banquière des Années folles », qui ruina des milliers de petits épargnants en mettant en place une pyramide dite de Ponzi. Comme Madoff bien des années plus tard, elle servait des taux d’intérêt très élevés à ses clients, en l’occurrence 8% ; mais, en réalité, elle les rémunérait avec l’argent des nouveaux souscripteurs.

     la banquière,francis girod,romy schneider,trintignant,jean-claude brialy,marie-france pisier,jean carmet,claude brasseur,jacques fabbri,daniel mesguich,georges conchon,morricone       La Banquière, sorti en 1980, est l'un des meilleurs films de Francis Girod. Sa réalisation oscille entre le roman-feuilleton et l’histoire illustrée. La reconstitution de la France de l’entre-deux-guerres est soignée, elle offre des décors somptueux de palaces et d’hôtels particuliers, dans lesquels la queue-de-pie ou le smoking sont de rigueur. Les chapitres de ce film roman-feuilleton, si l’on peut parler de chapitres, s’enchaînent  avec harmonie et sont suffisamment courts pour que nous n’ayons pas le temps de nous ennuyer. Le scénario de Georges Conchon rappelle celui qu’il avait écrit deux ans plus tôt pour Le Sucre de Jacques Rouffio. Inspiré lui aussi d’une histoire vraie, ce film racontait la spéculation sur le sucre qui avait ruiné des petits épargnants. Les professionnels de la finance n’y étaient pas épargnés, ils ne le sont pas non plus dans La Banquière. On nous y martèle que les banques servent 1% d’intérêt, au mieux 1,5%, ce qui paraît peu.

            La Banquière fait aussi penser à L’Affaire Stavisky d’Alain Resnais, sorti en 1974, qui racontait une affaire similaire, également dans une reconstitution somptueuse de la France de l’entre-deux-guerres, avec une distribution éclatante, Jean-Paul Belmondo en tête. C’est d’ailleurs ce qui fait la force du film de Francis Girod. On y revoit avec beaucoup de plaisir le défilé d’acteurs qu’il nous offre. Marthe Hanau, rebaptisée Emma Eckhert, est interprétée par Romy Schneider. On sent que l’actrice s’est reconnue dans ce personnage rebelle, atypique, aux amours libres, qui se heurte à son milieu et à la bonne société ; Emma Eckert est entourée d’hommes qu’elle mène par le bout du nez. On voit apparaître d’autres acteurs fameux, dont certains sont aujourd’hui disparus : Jean-Claude Brialy, Marie-France Pisier, Jean Carmet, Jacques Fabbri…

Dans cette ambiance Années folles, la musique d’Ennio Morricone enveloppe l’œuvre d’un charme discret. Une fois le film fini, le spectateur n’a pas forcément compris tous les ressorts de la finance, mais, malgré quelques scènes pénibles, il a passé un agréable moment et c’est là l’essentiel.

 

La Banquière de Francis Girod (1980), avec Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant, Jean-Claude Brialy, Marie-France Pisier, Jean Carmet, Claude Brasseur, Jacques Fabbri et Daniel Mesguich, DVD Studio Canal.