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06/10/2014

El Dorado, de Hawks

Rio Bravo, acte II

El Dorado

Sept ans après Rio Bravo, Howard Hawks retrouve John Wayne. L’intrigue est similaire, mais cette fois c’est Robert Mitchum qui joue le rôle du shérif. Certes El Dorado n’égale pas Rio Bravo, et pourtant le plaisir n’est pas moindre.

            En 1959, Howard Hawks tournait Rio Bravo avec John Wayne. L’histoire se passait dans une petite localité de l’Ouest américain. Le shérif envoyait en prison un riche éleveur suspecté de meurtre. Ses proches, alertés, faisaient une descente en ville, exigeaient sa libération et, pour l’obtenir, menaçaient directement le shérif, qui ne pouvait compter que sur l’aide d’un adjoint alcoolique, d’un vieillard et d’un tout jeune homme.

  el dorado,hawks,john wayne,robert mithum,james caan          Sept ans plus tard, Hawks retrouve John Wayne pour le diriger dans un nouveau western, El Dorado. Le réalisateur, n’ayant pas peur de se plagier lui-même, reprend exactement la même situation que dans Rio Bravo ; il se borne à modifier la distribution des personnages. Dans le précédent western, John Wayne jouait le rôle du shérif, ici il ne fera que l’assister, mais sa sobriété permettra d’éviter la catastrophe, car, dans El Dorado, c’est le shérif qui est alcoolique. Le rôle est tenu par Robert Mitchum, qui se montre très naturel quand il est imbibé. Mitchum reprend ainsi le personnage d’’alcoolique joué par Dean Martin dans Rio Bravo. Quant à James Caan, il joue le rôle du jeune homme très serviable qui offre ses services à John Wayne. Et comme dans Rio Bravo, John Wayne décline ses propositions d’aide, dans un premier temps.

            Certes El Dorado n’égale pas Rio Bravo, considéré aujourd’hui comme un grand classique du western, et pourtant le plaisir n’est pas moindre. El Dorado est un film très agréable et très apaisant pour le spectateur, tant une espèce de sérénité semble inonder le film. Certains critiques reprochèrent à Hawks un excès de lenteur dans le déroulement de l’histoire. Il est vrai que l’on a du mal à reconnaitre ici la patte du réalisateur de Scarface, film au rythme trépidant. Mais, en 1931, Scarface était l’œuvre d’un jeune réalisateur, tandis qu’en 1966 El Dorado est l’œuvre d’un réalisateur ayant atteint, depuis longtemps, la maturité.

            Et puis, El Dorado offre l’occasion d’apprécier pleinement les qualités d’acteur de John Wayne. Si c’est John Ford qui a offert à John Wayne les grands rôles qui l’ont fait devenir l’acteur le plus populaire de son temps, c’est peut-être dans les films de Hawks que s’affirme le mieux son jeu. Hawks louait le professionnalisme de John Wayne : l’acteur était capable d’apprendre deux pages de script en quelques minutes, il ne râlait jamais et ne discutait jamais un scénario. Hawks se rappelait avoir voulu, lors d’un tournage, lui expliquer l'intrigue, mais Wayne lui avait coupé la parole et avait déclaré : « Je ne veux pas en entendre plus. D’abord, je n’aime pas tes histoires, parce qu’elles finissent toujours mal. »

            Hawks considérait que John Wayne était un acteur sous-estimé, alors qu’il donne à un film homogénéité et solidité. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer ce qu’eût pu être El Dorado sans la présence de John Wayne. Sa silhouette massive, ses gestes lents et sa tranquillité produisent un effet rassurant et nous donnent l’impression que, tant qu’il est en notre compagnie, rien ne peut nous arriver.

 

El Dorado, de Howard Hawks, 1966, avec John Wayne, Robert Mitchum et James Caan, DVD Paramount.

17/03/2014

La Rivière rouge (Red River), de Hawks

John Wayne peu sympathique mais fascinant

La Rivière rouge (Red River)

C’est le premier western de Howard Hawks avec John Wayne. Droit dans ses bottes, John Wayne joue le rôle d’un éleveur inflexible et dur avec ses hommes. Le jeune Montgomery Clift va oser défier son autorité. La tension est permanente dans ce western qui marque le spectateur.

            Tom Duncan est un self-made man. Parti de rien, il s’installe dans une partie du Texas où les Indiens et les desperados font la loi. Il bâtit un ranch qui prospère au fil des années. Mais bientôt il s’aperçoit que l’élevage ne rapporte plus autant que par le passé. Il se décide à vendre dix-mille têtes de bétail qu’il va acheminer jusqu’au Missouri. Pour ce long voyage, il est accompagné de son fils spirituel Matthews, un garçon d’une vingtaine d’années qu’il a recueilli autrefois.

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            Un jour, un cow-boy, par sa maladresse, provoque un accident mortel. Tom décide de le punir et le fait fouetter. Tom nous paraît dur. Nous serions tenté de prendre nos distances avec lui, mais en même temps nous ne pouvons pas perdre de vue que l’homme qui est puni a provoqué, par son imprudence, la mort de l’un de ses camarades.

            Une nuit, trois hommes s’enfuient avec des vivres. Tom en perd le sommeil et n’a plus qu’une seule idée en tête : les retrouver et les punir. Plus décidé que jamais à atteindre la destination prévue, il exige encore davantage d’efforts de sa troupe. Quand Matthews lui fait remarquer que les hommes sont morts de fatigue, Tom lui rétorque : « Tant mieux ! Ainsi ils ne penseront pas à s’enfuir ! » Sa détermination tourne à l’entêtement. Il refuse d’obliquer vers Abilène où il pourrait tout aussi bien vendre son bétail. Non ; rien ne le fera dévier de son chemin. Quand deux des fuyards sont retrouvés, il décide de leur infliger une peine exemplaire qui fera réfléchir tout le monde : les deux hommes seront pendus. Là nous sommes horrifié ! Le jeune Matthews, qui a toujours respecté l’autorité naturelle de Tom jusqu’ici, va-t-il laisser faire ou va-t-il enfin oser se dresser contre Tom ?

Un John Wayne inhabituel aux cheveux longs

            La Rivière rouge (Red River) est le premier western de Howard Hawks. C’est aussi la première fois qu’il dirige John Wayne. John Wayne joue le rôle du peu sympathique mais fascinant de Tom Duncan. Par sa dureté, l‘acteur annonce le personnage qu’il jouera dans La Prisonnière du désert (The Searchers), de John Ford. Fait inhabituel, il porte les cheveux longs dans le cout, suivant la mode des cow-boys des années 1860.

            Joanne Dru joue le rôle d’une jeune femme qui, comme souvent chez Hawks, aura un rôle déterminant dans l’histoire. Quant au jeune Matthews, il est incarné par Montgomery Clift, échappé de l’Actor Studio pour cette confrontation avec John Wayne.

            La Rivière rouge est un film charnière dans l’œuvre de Hawks, un réalisateur qui aura dirigé des films très différents par leur forme, d’un bout à l’autre de sa carrière. Son Scarface, en 1931, l’un des premiers films de gangsters, était très rythmé ; surtout, il était d’une violence inouïe pour l’époque, au point qu’il provoqua une réaction des pouvoirs publics et l’édiction d’un code de bonne conduite morale pour les studios de production. Ici, en 1948, dans La Rivière rouge, la violence est toute relative et le rythme est encore assez soutenu. Par la suite, Hawks retrouvera John Wayne pour trois autres westerns, dont Rio Bravo, au rythme plus lent et à l’atmosphère nonchalante.

            La musique de La Rivière rouge est signée de Dimitri Tiomkin. Les amateurs noteront qu’il réutilisera la musique du générique dans Rio Bravo. Il en tirera une chanson, My Rifle, my poney and me, interprétée en duo par Dean Martin et Ricky Nelson.

 

La Rivière rouge (Red River), de Howard Hawks (1948), avec John Wayne, Montgomery Clift et Joanne Dru, DVD Wild Side Video.

03/02/2014

Rio Bravo, de Hawks

Grand classique du western

Rio Bravo

Dans Rio Bravo, John Wayne incarne un shérif assez maladroit qui s’apprête à affronter une bande de hors-la-loi. Il est entouré d’adjoints, joués par Dean Martin et Walter Brennan, qui se montrent encore moins à la hauteur que lui. Ce western fait aujourd’hui référence et pourtant on n’y trouve pas de scène d’action spectaculaire.

            En 1952, le western Le Train sifflera trois fois (High Noon), de Fred Zinnemann, rencontra un immense succès. Pourtant, un homme n’aima pas le film : le réalisateur Howard Hawks fut révulsé de voir à l’écran la lâcheté des habitants d’une petite ville américaine. Le shérif, joué par Gary Cooper, attendait une bande de hors-la-loi venus se venger. Il était abandonné de tous, y compris de sa femme jouée par Grace Kelly. En réaction, Howard Hawks réalisa Rio Bravo, un western plus conforme à l’esprit américain tel qu’il le concevait.

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            Mais attention, nous sommes dans un film de Hawks, il n’y a pas de super-héros. Le shérif Chance a beau être joué par John Wayne, il ne se montre pas à la hauteur. Il est entouré d’adjoints qui le gênent plus qu’ils ne l’aident. L’un, Dude, joué par Dean Martin, est alcoolique ; l’autre, Stumpy, joué par Walter Brennan, est vieux, susceptible, impulsif, et rate toutes ses cibles. Quand un as de la gâchette, le jeune Colorado, joué par Ricky Nelson, se propose de venir renforcer l’équipe d’adjoints, assez bizarrement le shérif Chance refuse. Et pourtant, Chance se fait surprendre par derrière comme un débutant et ne doit son salut qu’à une entraîneuse de saloon, Feathers, jouée par Angie Dickinson.

            Certes, John Wayne se montre maladroit, mais le spectateur ne peut qu’admirer son calme extraordinaire. La force du personnage est dans son caractère : il se montre nonchalant et ne perd jamais son sang-froid.

Un homme n’est rien sans la communauté qui l’entoure

            Rio Bravo peut décontenancer le spectateur qui le verrait pour la première fois. Il n’y pas de paysage majestueux, pas de grande chevauchée, pas d’Indien et somme toute peu d’action. Les hommes passent le plus clair de leur temps à attendre l’affrontement avec les hors-la-loi. Alors ils tuent le temps : ils vont de la prison au saloon et du saloon à la prison en passant par le barbier et en surveillant la rue principale. Ils parlent beaucoup (le film peut même paraître un peu bavard) et ils chantent. Dean Martin et Ricky Nelson fredonnent en duo des ballades, sous l’œil de John Wayne. Si Dean Martin apparaît aujourd’hui comme le prototype du crooner, on a oublié Ricky Nelson. Alors âgé de dix-huit ans, il était l’idole des jeunes dans l’Amérique de la fin des années 50, une espèce d’Elvis Presley présentable et acceptable pour les parents.

            L’un des moments forts du film est l’interprétation du Deguello, joué une nuit par des musiciens mexicains à la demande du chef des hors-la-loi, pour effrayer le shérif et ses adjoints. Le Deguello est une musique espagnole qui, au XIXème siècle, annonçait qu’il n’y aurait pas de quartier. Il existe une partition historique de ce morceau, mais le compositeur Dimitri Tiomkin la trouva si médiocre qu’il décida de la réécrire pour les besoins du film. John Wayne fut ébloui par la musique de Tiomkin et, un an plus tard, lui demanda l’autorisation de la réutiliser dans son film Alamo.

            Rio Bravo peut donc dérouter le spectateur amateur d’action qui le verrait pour la première fois. Mais, au fur et à mesure qu’il le reverra au fil des ans, il lui trouvera à chaque fois des qualités supplémentaires. Il appréciera l’atmosphère et les personnages, et retiendra la leçon donnée par le film : l’homme seul n’est rien, sans la communauté qui l’entoure. Et les nostalgiques du western noteront qu’il s’agit là du dernier rôle de Ward Bond, un vétéran du genre, mort peu de temps après.

            Rio Bravo fut tourné en 1959. C’est le dernier western que l’on peut qualifier de grand classique, avant que le genre ne soit remis en cause au cours des années 60, pour ensuite complètement disparaitre des écrans.

 

Rio Bravo, de Howard Hawks (1959), avec John Wayne, Dean Martin, Ricky Nelson, Angie Dickinson, Walter Brennan et Ward Bond, DVD Warner Home Video Vidéo.