12/06/2017
Les Racines du ciel, de Romain Gary
Le premier roman écologique
Les Racines du ciel
Le héros de ce roman écologique, un Français nommé Morel, fait circuler en Afrique une pétition réclamant l’interdiction de la chasse aux éléphants. Qualifié de farfelu, il entre dans la clandestinité et s’allie à un chef africain qui se bat pour l’indépendance de son peuple. Romain Gary lance un appel à la protection de la nature, il dénonce l’utilitarisme de la société moderne et prend la défense des éléphants, qu’il juge indispensables à la beauté de la vie.
Publiées en 1956, Les Racines du ciel furent couronnées du prix Goncourt. Des années plus tard, il apparut que Romain Gary avait écrit là le premier roman écologique. Le mot écologie est utilisé à plusieurs reprises dans le livre, pour souligner que bien des personnages ne l’avaient jamais entendu auparavant.
Le titre Les Racines du ciel reprend une expression empruntée à l’islam : lesdites racines sont celles plantées par le ciel au cœur de l’homme, la première d’entre elles étant la liberté. Or, en AEF (Afrique équatoriale française), au nom de la liberté, un individu du nom de Morel se bat pour la sauvegarde des éléphants, espèce menacée d’extinction. Trente mille d’entre eux seraient tués chaque année par des chasseurs, « pour fournir, écrit Gary, des boules de billard et des coupe-papier » aux Occidentaux. Morel, un idéaliste, fait circuler une pétition réclamant l’interdiction de la chasse à l’éléphant. Certains acceptent de la signer, d’autres s’y refusent ; et d’autres encore se montrent hésitants, tel le père Fargue, un franciscain, qui fait observer à propos de la pétition : « On n’avait pas l’impression de signer pour les éléphants, mais contre les hommes. »
Après tout, si l’on y réfléchit, à quoi un éléphant vivant sert-il ? A rien, il n’est d’aucune utilité. Précisément, le combat de Morel pour les éléphants, c’est un combat contre l’utilitarisme de la société, et ce au nom de la liberté. L’un des soutiens de Morel déclare qu’il s’agit tout simplement de « respecter la nature, la liberté vivante, sans aucun rendement, sans utilité, sans autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps. » Une partie de la presse française relaie le combat de Morel en écrivant : « Les éléphants sont maladroits, encombrants, anachroniques, menacés de toutes parts, et pourtant indispensables à la beauté de la vie. »
Sur le terrain, en Afrique, Morel apparaît bien isolé, la plupart des colons le prenant pour un farfelu. Même les indigènes, dont Romain Gary pressent qu’ils vont tantôt accéder à l’indépendance, ne sont pas sensibles à ses idées. Un colonel britannique déclare à propos des Africains : « La seule chose que les indigènes voient dans un éléphant, c’est la viande. […] Quant à la beauté de l’éléphant, sa noblesse, sa dignité, et cetera, ce sont des idées entièrement européennes comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. »
Gary, compagnon de la Libération,
n’hésite pas à enrôler de Gaulle
dans le combat pour la défense des éléphants
Malgré tout, Morel réussit à gagner à sa cause le chef Waïtari, ancien député des Oulés. Couvert d’un képi cinq étoiles, Waïtari se bat pour l’indépendance de l’Afrique et se rêve en chef incontesté de la « future fédération africaine de Suez au Cap », tant son ambition est forte. Bien qu’il soit indifférent au sort des animaux, il rallie Morel et entre avec lui dans la clandestinité, parce qu’il voit dans la cause des éléphants l’« instrument de propagande rêvé ». Risquer la prison ne lui fait pas peur, car, dit-il, « aujourd’hui, les prisons coloniales sont les antichambres des ministères. » Morel n’est pas dupe des intentions politiques de Waïtari, il se veut lucide et a fait le calcul suivant : « Si les autorités se persuadent que la protection des éléphants est un prétexte à une action politique, alors elles seront tentées de réagir et d’interdire la chasse d’éléphants, afin d’enlever aux "rebelles" tout motif d’agitation. » Ainsi, en s’alliant à Waïtari qui poursuit un autre but que lui, Morel espère bien atteindre le but que, pour sa part, il s’est fixé.
Dans ce livre les personnages sont très nombreux, tous masculins, sauf Minna, une jeune Allemande, violée par les Russes en 1945, et qui suit Morel par « amour de la nature ». Certains protagonistes semblent directement inspirés de personnalités de l’époque. Ainsi il est fait mention d’« un écrivain américain qui vient régulièrement en Afrique pour abattre sa ration d’éléphants, de lions, de rhinos » : on pense immédiatement à Hemingway. Et surtout le personnage du père Tassin, un jésuite, est la copie presque conforme du père Teilhard de Chardin. Comme ce dernier, Tassin est paléontologue et a la « réputation de s’intéresser beaucoup plus aux origines scientifiques de l’homme qu’à son âme. » Pour le personnage de Morel, Romain Gary indiqua plus tard, dans son livre La Promesse de l’aube, s’être inspiré d’un sergent nommé Dufour, dont il avait la connaissance lors de la débâcle de juin 1940, et qu’il qualifie d’ « homme qui ne savait pas désespérer ».
Comme le sergent Dufour et comme Gary lui-même, Morel a rallié la France Libre dès 1940. Dans son périple africain il porte, épinglée à sa chemise, une petite croix de Lorraine. Le compagnon de la Libération qu’est Gary n’hésite pas à enrôler de Gaulle dans son combat en proclamant que lui aussi est « un homme qui croyait aux éléphants. »
L’un des passages les plus marquants du livre est autobiographique. A un moment, un avion survole en rase-mottes un troupeau d’éléphants contre lequel il finit par s’écraser, tuant plusieurs de ces bêtes. Gary a vécu un tel accident pendant la guerre, qu’il raconte également dans La Promesse de l’aube.
Les Racines du ciel sont un livre dense, touffu, voire boursouflé. Gary n’hésite pas à se répéter au fil des pages et son récit n’est ni linéaire ni chronologique, ce qui peut compliquer la lecture. On peut être a priori indifférent à son appel à la protection de la nature et trouver son message vaguement panthéiste. Néanmoins, les personnages créés par l’auteur sont attachants ; peu à peu il réussit à gagner la sympathie du lecteur et à lui faire épouser la cause des éléphants.
Les Racines du ciel, de Romain Gary, 1956, collection Folio.
10:18 Publié dans Fiction, Livre, Livre de fiction (roman, récit, nouvelle, théâtre), XXe, XXIe siècles | Tags : les racines du ciel, romain gary | Lien permanent | Commentaires (0)
29/05/2017
La Comtesse aux pieds nus, (The Barefoot Contessa), de Mankiewicz
Cendrillon au XXème siècle
La Comtesse aux pieds nus
(The Barefoot Contessa)
Une jeune femme nommée Maria Vargas devient une grande actrice de cinéma. Elle réussit sa vie professionnelle, mais échoue dans sa vie personnelle. Bercée d’illusions, elle découvre à ses dépens que la vie n’est pas un conte de fées. Ava Gardner trouve dans ce film le meilleur rôle de sa carrière. Mankiewicz, qui s’est inspiré du conte de Cendrillon, arrive, une fois de plus, à manipuler le spectateur.
Il était une fois une jeune femme qui rêvait de rencontrer son prince charmant. Née dans une famille pauvre d’Espagne, elle avait pour habitude, étant enfant, de se réfugier pieds nus dans la fange, pour échapper aux bombardements de la Guerre civile. Toute petite, elle rêvait déjà de l’Amour, du Grand Amour. Parvenue à l’âge adulte, elle devint danseuse dans un cabaret de Madrid. C’est là qu’elle fit la connaissance d’Harry Dawes, metteur en scène et scénariste réputé d’Hollywood.
Dawes agit pour le compte du grand producteur Kirk Edwards, qui souhaiterait qu’elle fasse des essais dans le cadre de la préparation d’un film. Trop contente d’échapper à son destin médiocre, Maria Vargas donne son accord et suit Dawes en Amérique. Les essais sont concluants, un premier film est tourné, et très vite elle devient une étoile du grand écran. Femme désirable et désirée, elle a tout pour être heureuse et peut croire que sa vie va ressembler à un conte de fées. Elle apprendra à ses dépens que la réalité est plus rude qu’elle ne le croit.
En premier lieu, si le producteur Kirk Edwards a souhaité la rencontrer, c’est moins en raison de son talent que pour la conquérir. Les raisons professionnelles qu’il avance ne sont qu’un prétexte pour tomber toute femme qu’il convoite. Kirk Edwards est un millionnaire et avant tout un héritier, un enfant gâté, qui doit sa fortune à son père. Attendu qu’il paie de sa poche les films qu’il produit, Kirk Edwards s’arroge tous les droits : il traite Harry Dawes en valet et fait valoir son droit de posséder Maria comme n’importe quel bien qu’il a acheté. La conduite de Kirk Edwards à son égard est pour elle l’occasion d’une première déception.
Après s’être refusée à lui, elle le quitte pour un autre millionnaire du nom d’Alberto Bravano. Bravano est aussi oisif que Kirk Edwards, mais il est moins hypocrite. Alors que le producteur est fier de la fortune dont il n’a fait qu’hériter, Bravano se montre plus lucide en reconnaissant que, quand on possède déjà cent millions, il n’y a aucun mérite à gagner dix millions supplémentaires : « C’est l’enfance de l’art », conclut-il. Dès qu’il prend conscience que Maria lui résiste, il n’insiste pas, du moment que les apparences sont sauves ; car peu lui importe de ne pas posséder Maria, tant que le monde entier croit qu’elle est à lui. Bravano est ce genre d’homme qui pense que ce qui compte dans la vie, ce n’est pas ce qu’on est, mais l’image qu’on donne de soi. Pour Maria, sa rencontre avec cet homme sans manière et sans retenue aura été l’occasion d’une nouvelle déception.
Après ces deux désillusions, Maria a enfin l’immense bonheur de trouver son prince charmant en la personne du comte Torlato. C’est un authentique aristocrate, ultime rejeton d’une grande famille italienne. Homme distingué et élégant, il lui propose de mener une vie de princesse dans un vaste palais. Maria est conquise et se jette dans ses bras. Elle l’épouse et devient comtesse Torlato, rendant ainsi sa vie conforme à son rêve. Mais ne se berce-t-elle pas à nouveau d’illusions ? A-t-elle pris le temps d’apprendre à connaître le comte et d’aller au-delà des apparences ?
Un film est sensé,
tandis que la vie est insensée
Dans ce film, il est maintes fois fait référence à Cendrillon. Et, ainsi que Mankiewicz l’a affirmé à plusieurs reprises, La Comtesse aux pieds nus est une version moderne du conte. Maria va de désillusions en désillusions et peine à comprendre que la vie n’est pas un conte de fées. Elle est une éternelle insatisfaite qui n’arrive pas à trouver le bonheur. Son accomplissement professionnel est complet – c’est une vedette reconnue -, mais elle ne s’estime pas comblée tant qu’elle ne sera pas arrivée à s’accomplir en tant que femme, dans sa vie personnelle. Et c’est là qu’est l’échec. Elle n’est pas arrivée à se satisfaire de ce que la vie lui apportait.
Le personnage d’Harry Dawes est le double cinématographique de Mankiewicz. Comme lui, il est à la fois réalisateur et scénariste. C’est un être désabusé. Assez ironiquement, il s’adresse directement au spectateur pour le prévenir que ce qu’il regarde n’est pas un film, mais la réalité. Or, ajoute Dawes, « un film est sensé, tandis que la vie est insensée. » Pendant que Maria s’aveugle, lui, il voit venir la tragédie approcher à grands pas ; car il est doté d’un sixième sens commun aux metteurs en scène et aux romanciers, qui fait d’eux des voyants et les placent au-dessus du commun.
Le plan d’ouverture au cimetière
ne prend toute sa dimension qu’à la fin du film
Chez Mankiewicz, les millionnaires de la jet-set sont des êtres vulgaires, qui ont des manies de nouveaux riches et qui se croient tout permis. Les aristocrates ont certes des manières plus policées, mais, en réalité, ils ne valent guère mieux : ils sont en constante représentation et ne savent que donner des ordres aux larbins. Mankiewicz montre, dans un casino de la Côte d’Azur, un prétendant à un trône quelconque d’Europe : ses interlocuteurs lui parlent avec déférence et le traitent en vrai roi, alors que c’est un être pathétique qui ne règne que sur les tables de jeu.
En comparaison, le comte Torlato apparaît d’emblée comme un être supérieur ; et rien ne laisse supposer que le mariage qu’il propose à Maria dissimule une union funèbre. Il ne se préoccupe guère de son sort à elle et de ce qui pourrait lui arriver ; prenant prétexte de la devise de la famille : « Che sarà sarà » (« Ce qui doit advenir adviendra »), il décide de mettre les événements appelés à s’enchaîner sur le compte de la fatalité. Maria ne comprend pas qu’elle a épousé un homme névrosé et morbide, et se trompe en croyant qu’il se résignera à ce qu’elle conçoive un enfant avec un domestique. Le comte Torlato n’est certainement pas l’équivalent italien de Lord Chaterley. Dès lors, le drame est inéluctable.
Ce film est passionnant à plus d’un titre. Le dialogue de Mankiewicz est brillant. Il se peut qu’il y ait des spectateurs pour le trouver trop encombrant, et c’est vrai qu’il est abondant, probablement trop abondant. Cependant ce film ne saurait être réduit à du théâtre filmé ; car, comme à son habitude, Mankiewicz use habilement de l’image pour manipuler le spectateur. Ainsi, la scène d’ouverture, relative à l’enterrement de Maria, ne prend toute sa dimension qu’à la fin du film, quand, de retour au cimetière, le plan s’élargit, dévoilant au spectateur des éléments que le réalisateur s’était bien gardé de lui montrer au début. Mankiewicz développe là tout un art du cadrage.
Humphrey Bogart interprète le personnage d’Harry Dawes. Bien que ne jouant pas un « privé », il traîne un imperméable Burberry qui rend sa silhouette aisément reconnaissable. Ava Gardner trouve probablement dans le personnage de Maria le meilleur rôle de sa carrière. Elle est inoubliable quand elle danse pieds nus au milieu des bohémiens.
La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa), de Joseph L. Mankiewicz, 1954, avec Humphrey Bogart, Ava Gardner, Edmond O’Brien, Marius Goring, Valentina Cortesa et Rossano Brazzi, DVD 20th Century Fox.
PS : la devise des Torlato, « Che sarà sarà », a inspiré la chanson Que sera sera, chantée par Doris Day dans L’Homme qui en savait trop (The Man who knew too much), d’Hitchcock.
10:46 Publié dans Drame, Film | Tags : la comtesse aux pieds nus, the barefoot contessa, mankiewicz, bogart, ava gardner, edmond o’brien, marius goring, valentina cortesa, rossano | Lien permanent | Commentaires (0)
22/05/2017
La Porte étroite, de Gide
Le piège de la vertu
La Porte étroite
Une jeune fille s’efforce de mettre en pratique les paroles du Christ en plaçant la vertu au centre de sa vie. Elle se réfugie dans l’exaltation, oublie les joies terrestres, fait languir son fiancé et finit par se dessécher. Dans La Porte étroite, Gide met en garde contre l’héroïsme inutile, qui constitue un dévoiement du christianisme.
« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite », telles sont les paroles du Christ, rapportées par saint Luc, qui servent de base au récit de Gide. Un jour, au temple, le narrateur, Jérôme Palissier, qui appartient à une famille de la bourgeoisie protestante, entend son oncle pasteur commenter ce verset à l’occasion de son prêche dominical. Selon lui, la multitude des hommes prend un chemin spacieux et une porte large qui mènent à la perdition, alors que, enseigne le Christ, « étroite est la porte et resserrée est le chemin qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui la trouvent. » Ces dernières paroles raisonnent dans les oreilles de Jérôme, alors âgé de quatorze ans. Il décide qu’il sera parmi les rares élus qui passent par la porte étroite.
Jérôme aime sa cousine Alissa Bucolin, âgée de seize ans. Or cette fille est un être exigeant, qui elle-même recherche la vertu. Jérôme la compare à cette « perle de grand prix » dont parle l’Evangile. Elle pourrait être celle qui lui montre la route pour aller vers Dieu. C’est ainsi que, quand Jérôme passe la porte de la chambre d’Alissa, il y voit la porte étroite évoquée par saint Luc. Mais le comportement du garçon est-il pur ? Compte-t-il vraiment sur Alissa pour aller vers Dieu, ou ne prétend-il pas chercher Dieu afin de cheminer avec Alissa ?
Jérôme entrevoit un « immense bonheur » dans la vie commune qu’il pourrait mener avec la jeune fille, mais il n’ose pas lui faire de demande tant que les conditions optimales ne sont pas réunies.
Les années passent, et, à chaque fois que Jérôme fait un pas en direction d’Alissa, celle-ci trouve un prétexte pour se dérober. Dans un premier temps, elle le fait lanterner en lui faisant comprendre que le « contentement plein de délices » qu’il lui propose n’est pas suffisant. Puis, au fil des pages, elle dévoile sa véritable nature.
Gide reprend à son compte
la mise en garde de Bossuet au Grand Dauphin
En vérité, Alissa se complaît dans la recherche de la vertu. Un jour, dans une lettre, elle s’en explique à Jérôme et lui écrit que ce n’est pas le bonheur qu’elle souhaite, mais l’« acheminement vers le bonheur ». Cette fille est tellement éprise de pureté qu’elle ne veut surtout pas pratiquer la vertu dans la perspective d’obtenir la « félicité », car cela voudrait dire, précise-t-elle, qu’elle pratique la vertu pour la récompense qu’elle en espère. Elle écarte toute espèce de troc qui la verrait échanger la sainteté sur terre contre la félicité dans le ciel. Elle le déclare à Jérôme : « C’est par noblesse naturelle, non par espoir de récompense, que l’âme éprise de Dieu va s’enfoncer dans la vertu. »
Alissa s’enferme dans le mysticisme et l’exaltation. Elle finit par repousser Jérôme au motif que la route enseignée par le Seigneur est une route « étroite à n’y pouvoir marcher deux de front. » Dans son esprit de mortification, elle se prive de toute joie et de tout plaisir terrestres, et finit par se dessécher. Son rêve, dit-elle, est « monté si haut que tout contentement humain l’eût fait déchoir. »
Alissa est tombée dans le « piège de la vertu » et entend y faire tomber à son tour Jérôme, qui reste sans défense. Elle pratique la vertu uniquement pour y trouver une forme de noblesse, sans se soucier de savoir si cet héroïsme exalté aidera son prochain. Sa vertu est complètement stérile.
Après la publication de La Porte étroite, Gide qualifia l’héroïsme d’Alissa d’« absolument inutile ». Il rappela que Bossuet, dans ses leçons au Grand Dauphin, le mettait en garde contre ces « penchants de l’âme » et ces « maximes de faux bonheur, qui ont fait périr tant de monde parmi nous… » Gide reprit à son compte cet avertissement et conclut qu’il gardait toute sa valeur, son roman servant d’illustration à la leçon de Bossuet.
Comme dans La Symphonie pastorale, Gide met en garde, non contre la religion elle-même, mais contre une interprétation personnelle et dévoyée de ses préceptes.
La Porte étroite, d’André Gide, 1909, collections Le Livre de Poche (épuisé) et Folio.
08:30 Publié dans Fiction, Livre, Livre de fiction (roman, récit, nouvelle, théâtre), Religion, XXe, XXIe siècles | Tags : la porte étroite, gide | Lien permanent | Commentaires (0)